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Un décret du 12 novembre 1943 conserva à l’affaire Krupp sa forme d’entreprise familiale, dirigée par Alfried Krupp et précisa que cette mesure était prise en considération du fait que « depuis cent trente-deux ans la firme Alfried Krupp, sous sa forme d’entreprise familiale, avait rendu d’éminents services à la force militaire du peuple allemand ».

Ce fut toujours l’avis des États-Unis que les grands industriels allemands étaient coupables des crimes mentionnés dans l’Acte d’accusation, tout autant que les hommes politiques, les diplomates et les militaires. Le 7 juin 1945, leur Procureur Général, dans un rapport au Président Truman, approuvé par ce dernier, a déclaré que les accusations de crimes visaient les autorités de la vie financière, industrielle et économique de l’Allemagne, aussi bien que les autres.

En application de ce principe, les États-Unis ont proposé avec l’approbation du Secrétaire d’État, d’inculper Alfried Krupp fils de Krupp von Bohlen, lui-même président et propriétaire de l’affaire Krupp. Le Ministère Public de l’Union Soviétique, de la République Française et du Royaume-Uni, s’est unanimement opposé à l’inclusion d’Alfried Krupp. Je n’entends pas critiquer son opinion. La nécessité de limiter le nombre des accusés a été considérée par les représentants des trois autres nations comme un empêchement à l’adjonction du cas d’Alfried Krupp. Quand, dès la signification de l’Acte d’accusation, ils ont appris l’état grave de Krupp von Bohlen, les États-Unis ont à nouveau provoqué une réunion du Ministère Public et proposé un amendement en vue d’inclure Alfried Krupp parmi les accusés. Cette fois encore la proposition des États-Unis a été mise en échec par un vote de trois contre un. Si maintenant le Tribunal fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour exclure du Procès le seul membre de la famille Krupp qui soit inculpé, l’un des buts principaux des États-Unis ne sera pas atteint, et il faut remarquer qu’un tel résultat n’est pas dans « les intérêts de la Justice ».

Les États-Unis exposent respectueusement au Tribunal qu’on ne peut pas rendre de plus mauvais service à la Paix future du monde que d’exclure entièrement la famille Krupp et les fabricants d’armement de ce Procès, dans lequel on cherche à condamner les auteurs de la guerre d’agression.

Les « intérêts de la Justice » ne peuvent être sauvegardés si l’on ne se préoccupe pas des droits des hommes de quatre générations dont les vies ont été sacrifiées ou menacées par la faute des munitions de Krupp et de l’armement de Krupp, et de ceux des hommes de demain qui ne pourront se sentir en sécurité si des personnes telles que Krupp échappent à toute condamnation, à la suite d’un procès tel que celui-ci.