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l’envoyé de Hollande, dont la politique et les manières étaient de même force, amena son fils, âgé d’environ treize ans, à un grand dîner de la cour. L’enfant et son père, à chaque chose qu’on mettait sur leurs assiettes, commençaient par l’offrir à la ronde à chacun des convives ; en sorte que nous ne pûmes avoir une minute de repos durant tout le repas. À la fin, leurs deux assiettes vinrent à se rencontrer, et avec tant de violence qu’étant de porcelaine elles se brisèrent en vingt morceaux, et tachèrent la moitié de la compagnie de sucreries et de crème.

Il y a une pédanterie dans les manières, comme dans tous les arts et sciences, et parfois dans les métiers. La pédanterie est proprement une trop haute estime de toute espèce de savoir dont nous avons la prétention, et si cette espèce de savoir est futile en soi, la pédanterie en est plus grande. C’est pourquoi je tiens les joueurs de violon, maîtres de danse, hérauts, maîtres de cérémonie, etc., pour de plus grands pédants que Lipse ou l’aîné des Scaliger. Ce genre de pédants, la cour, lorsque je la connaissais, en fut toujours abondamment pourvue ; j’entends depuis le gentleman huissier (au moins) inclusivement, jusqu’au gentleman portier, lesquels sont, généralement parlant, la race d’hommes la plus insignifiante que cette île puisse offrir, et la plus dépourvue de bonnes manières, ce qui est pourtant le seul métier qu’ils professent ; car étant complètement illettrés, et se fréquentant