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prît aucune nouvelle mesure contre le duel, attendu que l’homme sensé a de faciles et nombreux moyens d’éviter une querelle avec honneur ou de s’y engager sans crime, et je ne puis découvrir aucun mal politique à permettre à des fanfarons, à des escrocs et à des libertins de débarrasser le monde d’eux, les uns par les autres, à l’aide d’une méthode à eux, là où la loi n’a pas su trouver un expédient.

Comme les formes ordinaires de la civilité avaient pour but de régler la conduite de ceux qui ont une faible intelligence, de même elles ont été corrompues par les personnes pour l’usage desquelles elles avaient été inventées. Car ces gens sont tombés dans une inutile et interminable façon de multiplier les cérémonies, qui sont devenues extrêmement à charge à ceux qui les pratiquent et insupportables à tout autre ; au point que les gens sensés sont souvent plus mal à l’aise de l’excès de civilité de ces raffinés qu’ils ne pourraient l’être s’ils causaient avec des paysans ou des ouvriers.

L’impertinence de cette conduite cérémonieuse ne s’aperçoit mieux nulle part qu’à ces tables que président les dames qui s’estiment à cause de leurs bonnes manières, et où un homme peut être sûr de passer une heure sans faire quoi que ce soit dont il ait envie, à moins qu’il ne soit assez hardi pour rompre en visière à tout le décorum de la maison. Elle décident ce qu’il aime le mieux, et combien il mangera ; et si le maître du logis se trouve être