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rejeté toute érudition et toute philosophie. Selon ma façon de voir, la philosophie, ou toute autre partie de la science, n’est pas plus nécessaire à la poésie (qui, à en croire le même auteur, est « le résumé de toutes les connaissances »), que de connaître la théorie de la lumière et ses diverses proportions et modifications en couleurs particulières, ne l’est à un bon peintre.

Tandis donc que certain auteur, nommé Petronius Arbiter, tombant dans la même erreur, a déclaré avec assurance qu’un ingrédient d’un bon poète est « mens ingenti litterarum flumine inundata, » je déclare moi, au contraire, que son assertion (pour en parler dans les termes les plus doux), n’est qu’une odieuse et déloyale attaque contre Messieurs les poètes de ce temps ; car, avec sa permission, un déluge ou une inondation est bien loin d’être indispensable ; et, il est positivement à ma connaissance que quelques-uns de nos plus beaux, esprits dans le genre poétique, n’ont pas de savoir réel de quoi couvrir un sixpence au fond d’une cuvette ; et je n’en ai pas plus mauvaise opinion d’eux, car, s’il faut dire mon sentiment privé, je suis pour que chacun travaille sur ses propres matériaux, et ne produise que ce qu’il peut trouver en lui-même, ce qui est communément un meilleur fonds que ne le croit le propriétaire. Je pense que les fleurs de l’esprit devraient sortir, comme font celles des jardins, de leurs propres racines et tiges, sans assistance étrangère. Je voudrais que l’esprit