Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 2 - Scheurleer 1732.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
Projet pour l’Avancement

particulieres, leurs Caffez particuliers, où ils paroiſſent toûjours pour ainſi dire en troupe. Un Miniſtre tout ſeul oſe à peine ſe montrer dans une Compagnie de gens polis : &, s’il s’y trouve par malheur, il eſt taciturne, la défiance eſt peinte ſur ſon viſage, il eſt dans des apprehenſions continuelles d’être turlupiné, & d’être en butte à des railleries offenſantes.

Cette conduite du Clergé me paroit auſſi ſenſée, que le ſeroit celle des Médecins, s’ils mettoient tout leur tems, à viſiter leurs Apoticaires, ou à ſe viſiter les uns les autres, ſans ſe mettre en peine de leurs malades. A mon avis, le Commerce avec les Laïques eſt l’afaire principale des Gens d’Egliſe ; & je ne crois pas, qu’ils puiſſent trouver un moïen plus efficace de ſauver les ames, que de ſe rendre propres à plaire dans la Converſation des gens du monde : leur érudition pourroit y contribuer beaucoup, s’ils s’apliquoient à la polir, & à la débaraſſer de la Rudeſſe, & de la Pédanterie. Il eſt ordinaire à préſent, que ceux qu’on apelle bons-vivans, qui ne vont jamais à l’Egliſe, & qui ne s’amuſent point à parcourir les Livres de