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l’Aboliſſement du Chriſtianiſme.

ce qui n’eſt pas un avantage mépriſable, d’invectiver ſans expoſer leur vie au moindre péril.

Voici encore un argument tiré de la même ſource. Si le Chriſtianiſme étoit un jour aboli, comment les Eſprits forts, les profonds Raiſonneurs, trouveroient-ils un autre ſujet ſi exactement proportionné à leur tour d’eſprit, & ſi capable d’en étaler toute la force, & toute la beauté ? De quelles merveilleuſes productions d’eſprit ne ferions-nous pas privez, ſans pouvoir nous atendre à quelque Ouvrage équivalent de la part de ces Génies, qui, s’étant uniquement exercez ſur la maniére de tourner la Religion en ridicule, ſe ſont mis hors d’état de briller ſur tout autre ſujet ? Nous nous plaignons tous les jours de la décadence du Bel-Eſprit : voudrions-nous en retrancher la branche la plus fleuriſſante, & la plus féconde ? Auroit-on jamais ſoupçonné, que Aſgil fût un beau Génie, & Teland un Philoſophe[1], ſi la Religion, ce ſujet inépuiſable, ne les avoit pourvus abon-

  1. Petits Eſprits, qui ont brillé en écrivant contre la Religion.