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REFLEXION, &c.

l’air. Il eſt manié à préſent par les ſervantes les plus mauſſades, condamné à ſervir d’inſtrument à leurs viles occupations ; &, par le ſort le plus capricieux, il eſt deſtiné à ſe ſalir, dans le tems qu’il nettoïe toute autre choſe. Uſé à la fin dans ce triſte ſervice, il eſt jetté dans la ruë, ou bien il eſt mis en piéces, pour allumer le feu. Quand je l’examine, je ſoupire, & je ne ſaurois m’empécher de me dire à moi-même : Certainement, l’Homme mortel n’eſt qu’un Balay.

La nature envoie l’homme dans le monde, vif & robuſte, ſa tête eſt ornée de ſes propres cheveux, branches naturelles des végétaux raiſonnables, juſqu’à ce que la hache de l’intemperance coupe ces rameaux ſi gais & ſi riants, & le laiſſe un tronc deſeché. Alors, il a recours à l’Art ; il ſe charge le front d’un vil amas de cheveux étrangers tous couverts de poudre ; il en paroit fier, comme d’une dépouille glorieuſe. Si ce Balay, que nous voïons-là, vouloit ſe donner des airs ſur ce faiſſeau de branches, qui ne ſont pas de ſon cru, & qui ſont tous couverts de pouſſiere, quoi qu’elles ſervent peut-être à donner