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LE CONTE

nez. S’il avoit mal à l’eſtomac, il en avaloit autant de raclure, qu’il en pouvoit tenir ſur la ſuperficie d’un ſol. Tous ces remedes paſſoient chez lui pour infaillibles.

Par une Analogie exactement conforme à ces rafinemens, tout ſon Langage étoit emprunté du ſtile du Teſtament : toute ſon éloquence étoit renfermée dans ſes bornes ; & il n’oſoit pas ſe laiſſer échaper une ſyllabe, qui ne tirât de-là ſon autorité[1].

Un jour, ſe trouvant dans une maiſon étrangere, preſſé d’une certaine neceſſité, ſur laquelle il n’eſt pas néceſſaire de s’etendre ; & ne ſe reſſouvenant pas avec aſſez de promtitude de quelque phraze ſanctifiée, pour demander le chemin d’un certain petit apartement ; il préfera à

  1. Rien au monde n’eſt plus ridicule que l’affectation de ce jargon dévot, qui exprime les choſes les plus ordinaires de la vie par des termes empruntez de l’Ecriture Sainte, qui certainement ne nous eſt pas donnée pour cet uſage-là. D’ailleurs, il n’y a aucune bonté réelle, aucune ſainteté, dans ces expreſſions. C’eſt leur ſens, qui eſt ſacré & utile. Il s’enſuit de-là, que la profanation n’eſt pas tout-à-fait auſſi commune, que le croient les bigots.