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LE CONTE

greſſion puiſſe étre pardonnable, ce ſera plûtôt, ſi elle tend à ſerrer les liens de notre amitié mutuelle, que ſi elle a pour but de nous deſunir pour jamais.

Martin alloit continuer avec la même gravité, & il nous auroit laiſſé ſans doute un admirable diſcours, propre à procurer à mes Lecteurs le repos du corps & de l’ame, le veritable but de la bonne Morale ; mais, Jean avoit perdu patience : il n’étoit plus en état de l’écouter, bien éloigné de pouvoir profiter de ſes leçons, On remarque que dans les diſputes de l’Ecole, rien n’échauffe davantage la bile de celui qui argumente, qu’un certain calme pedanteſque dans le Répondant. Il en eſt comme de deux balances chargées d’un poids inégal : la peſanteur de l’une augmente la legereté de l’autre ; &, plus la prémiere deſcend, plus l’autre vole en haut avec rapidité. C’eſt juſtement le cas dont il s’agit ici : la gravité des raiſonnemens de Martin augmentoit la vivacité de Jean, & le faiſoit regimber contre la moderation de ſon Frere. En un mot, le flegme de l’un jettoit l’autre dans les derniers emportemens. Il enrageoit ſur-tout, en voiant l’habit