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DU TONNEAU

d’encens, que n’en ont obtenu les plus illuſtres de ſes compagnons.

C’eſt pour cette raiſon, je croi, que certaines gens ſe ſont mis dans l’eſprit, que chaque veritable Critique, après avoir achevé ſa tache, feroit une œuvre très-méritoire & très-utile pour le bien public du monde ſavant, s’il vouloit bien s’attacher à une corde un peu forte, ou ſe précipiter d’une hauteur un peu raiſonnable. Ils font même du ſentiment, qu’il ne faudroit donner place à perſonne dans le Catalogue des vrais Critiques, avant qu’il eût mis fin à cette perilleuſe avanture.

De cette origine celeſte d’un art ſi noble, & de ſon étroite analogie avec la Vertu Heroïque, on peut deduire aiſément les devoirs d’un vrai Critique. Il doit parcourir la Republique des Lettres, pour donner la chaſſe aux défauts monſtrueux, qu’elle nourrit dans ſon ſein ; forcer les erreurs à ſortir de leurs niches, comme Cacus de ſa Caverne. Il faut qu’il les multiplie, comme les têtes de l’Hydre ; & qu’il les ramaſſe, comme le fumier de l’Étable d’Augée. Il faut, ſur-tout, qu’il pourſuive ſans re-