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générosité de votre maître : ainsi sa réputation ira de comté en comté ; et qu’est-ce qu’un galon d’ale, ou une pinte d’eau-de-vie, pour la poche de Son Honneur ? Et quand même il serait de ceux qui prisent moins leur considération que leur bourse, le soin que vous prenez de la première en devrait être d’autant plus grand. Son cheval a eu besoin qu’on changeât ses fers de pieds ; le vôtre a eu besoin de clous ; sa ration d’avoine et de féveroles était plus forte que le voyage ne le demandait ; on peut en retrancher un tiers, et le changer en ale ou en eau-de-vie ; et ainsi l’honneur de votre maître peut être sauvé par votre sagesse, et à moins de frais pour lui ; ou bien, s’il ne voyage pas avec d’autre domestique, l’affaire peut être facilement arrangée sur le compte, entre vous et l’aubergiste.

Or donc, dès que vous descendez à l’auberge, remettez vos chevaux au valet d’écurie, pour qu’il les mène au galop à l’abreuvoir voisin : alors demandez un pot d’ale, car il est très convenable qu’un chrétien boive avant une bête. Laissez votre maître aux soins des domestiques de l’auberge, et vos chevaux aux soins de ceux de l’écurie : de la sorte il est, ainsi qu’eux, aux mains les plus convenables, tandis que vous êtes seul à vous occuper de vous : faites-vous donc donner à souper, buvez copieusement, et couchez-vous sans déranger votre maître, qui est en de meilleures mains que les vôtres. Le palefrenier est un honnête garçon, qui aime les chevaux de tout son cœur, et ne voudrait