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qu’on a voulu seulement badiner avec vous ; quand vous rentrez, laissez négligemment tomber la lettre dans la chambre de votre maîtresse ; elle la trouve ; elle se fâche : protestez que vous n’en saviez rien ; seulement vous vous souvenez qu’un monsieur, dans le parc, a tâché de vous prendre un baiser, et vous croyez que c’est lui qui aura mis la lettre dans votre manche ou dans votre corsage, et vraiment c’était un aussi joli homme que vous en ayez jamais vu ; après cela, elle peut brûler la lettre si elle veut. Si votre maîtresse est une fille d’esprit, elle brûlera quelque autre papier devant vous, et lira la lettre quand vous serez descendue. Vous devez continuer ce manège aussi souvent que vous pourrez le faire en sûreté ; mais que celui qui vous paie le mieux à chaque lettre soit le plus bel homme. Si un laquais ose vous apporter une lettre à la maison, afin que vous la remettiez à votre maîtresse, quand elle viendrait de votre meilleure pratique, jetez-la à sa tête, traitez-le d’impudent drôle et de gredin, et fermez-lui la porte au nez ; montez vite chez votre maîtresse, et, comme preuve de votre fidélité, racontez-lui ce que vous avez fait.

Je pourrais m’étendre beaucoup sur ce sujet, mais je me fie à votre jugement.

Si vous servez une dame qui soit un peu disposée à la galanterie, vous verrez qu’il faudra apporter une grande prudence dans votre conduite. Trois choses sont nécessaires à savoir : la première, comment plaire à votre maîtresse ; la deuxième, comment prévenir les