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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

feu avec celles de l’Angleterre à notre sujet ; ce que nous n’osions point dire tout haut, les Américains le criaient aux quatre vents du ciel. Paris marchait sur Versailles ; les têtes étaient échauffées en Europe comme en Amérique avant 1775 ; la prudence dictait aux ministres du roi George iii la nécessité de comprendre que l’Acte de Québec n’était plus praticable. Juste en ce moment, la révolution française éclata, ce qui fit encore plus apprécier aux ministres du cabinet de Londres, l’urgence des réformes dont on commençait à saisir l’utilité. En 1790, M. Pitt se demanda si l’épée que la France avait portée victorieusement en Amérique n’allait pas flamboyer sur l’Europe et comme cette question semblait se résoudre d’avance dans l’affirmative, il sut prendre les devants et demanda à la chambre des Communes d’accorder au Canada (si français) une constitution parfaitement libérale, selon les désirs dès longtemps exprimés par les habitants de cette belle colonie. La crise de 1775 était présente à l’esprit des Anglais. Donc, en 1790, un bill passa à la chambre, donnant au Bas-Canada une constitution politique calquée, disait-on, sur celle de l’Angleterre, mais adroitement modifiée de manière à ne nous permettre ni de choisir nos ministres ni de voter certaines dépenses. Avec la nouvelle de cette transformation de notre politique débarqua à Québec (12 août 1791) le duc de Kent, colonel du septième régiment ; il y fut reçu à bras ouverts. Le 29 décembre 1791 on lui donna un banquet pour célébrer à la fois son arrivée et la proclamation de la constitution. Le prince but au succès de la révolution française, qui n’était pas encore entrée dans la phase sanglante où elle s’engagea bientôt. D’ailleurs la liste des santés portées en cette occasion laisse percer un libéralisme qui eut fait plaisir à Ducalvet s’il eut été à même d’assister à la fête. Messieurs Baby et Amiot chantèrent des couplets de leur cru, composés pour la circonstance. Le régime parlementaire s’annonçait très joyeusement.