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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

conseiller législatif que sur le vote des quatre-cinquièmes de ses collègues ; 4. de décréter l’inamovibilité des juges, sauf le consentement d’au moins douze conseillers législatifs ; 5. que les juges seuls auraient droit de faire emprisonner les accusés pour quelque crime que ce soit. Ducalvet allait plus loin, aussi ne trouva-t-il point ces cinq articles suffisants, mais c’était toujours un progrès notable sur les choses du passé.

John Powell, envoyé d’Agleterre, au temps de la reine Anne, comme secrétaire du lieut.-gouverneur Dummer, avait épousé Anne, sœur de ce fonctionnaire. Son fils, William Dummer Powell, se maria avec Jeannette, fille de sir Alexander Grant. Ceux-ci eurent un fils, William Dummer Powell, né à Boston, en 1755, qui fut envoyé en Angleterre (1764) aux soins de sir Alexander Grant et mis à l’école de Turnbridge, dans le comté de Kent ; on lui fit parcourir la Hollande, apprendre la langue de ce pays et le français, et en 1772, il retournait à Boston. Il fit alliance, (1775) avec Anne Murray (née 1754) fille du docteur Murray, de Norwich, Angleterre, qui se trouvait en visite à Boston. Powell s’était rangé, dès 1773, du côté des « loyalistes. » En 1775, les gens de Boston le mirent sur la liste des « étrangers, » et il dut s’éloigner. Ceux qui se réfugiaient alors dans le Bas-Canada couraient le risque d’être traités comme les Canadiens-Français, en ce sens que les Anglais, n’ayant pas encore pénétré en nombre dans la province, s’y voyaient soumis à des vexations imaginées pour restreindre les mouvements de l’ancienne population. Powell en appela aux autorités, fit étendre les qualités de sujets britanniques sur ses amis, et, sans peut-être le soupçonner, posa ainsi les bases de la vraie liberté politique en ce pays. Établie à Montréal, il gagna la confiance de ses concitoyens, et lors de son voyage en Angleterre à titre de délégué (1783) se présenta et fut admis au barreau avec distinction. À son retour en Canada, nommé juge, il partit pour le Détroit le 11 mai 1789. Plus tard, le Détroit ayant été cédé aux États-Unis, Powell se transporta à Newark (Niagara) puis à York (Toronto). En 1818, il devint juge-en-chef, poste qu’il abandonna en 1825, puis voyagea trois ans en Angleterre et revint à Toronto où il s’éteignit en 1834. Sa femme vécut jusqu’à 1849. Leur descendant direct est aujourd’hui M. Grant Powell, sous-secrétaire d’État du Canada.

Haldimand n’avait pas eu le temps de retourner en Angleterre que déjà Ducalvet publiait à Londres (1784) son Appel à la justice de l’État qu’il fit répandre parmi nous à profusion. Il y invoquait l’établissement d’un gouvernement constitutionnel dont il posait ainsi les bases :

1. Conservation des lois civiles françaises ; 2. Loi de l’Habeas Corpus ; 3. Jugement par jury ; 4. Inamovibilité des conseillers législatifs, des juges et même des simples gens de loi, sauf forfaiture ; 5. Gouverneur justiciable des lois de la province ; 6. Chambre d’assemblée élective ; 7. Nomination de six députés pour représenter le Canada dans le parlement anglais ;[1] 8. Liberté de conscience ; personne ne devant être privé de ses droits politiques pour cause de religion ; 9. Réforme de la judicature par le rétablissement du conseil supé-

  1. La question est encore à l’ordre du jour.