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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

avec Lafontaine. Parfois on les désignait aussi sous le nom de « réformistes », à cause de leur entente avec les réformistes de l’autre province. Comme nuances ce parti comptait les amis de Lafontaine, les fidèles de Papineau, puis les indépendants, puis les annexionnistes. L’ensemble formait la phalange la plus nombreuse de cette partie du pays. De l’autre côté étaient les conservateurs, qui comprenaient nombre d’Anglais, quelques seigneurs et les bureaucrates, anciens chouayens. M. Ogden les dirigeait.

Pour les fins de la lutte, les conservateurs du Haut et du Bas-Canada s’entendaient ; mais ceux du Haut ne songeaient pas à rendre justice à la population canadienne-française, n’y étant pas forcés par leurs amis du Bas.

Les libéraux ou réformistes de Lafontaine et de Baldwin étaient, en principe, favorables à notre élément. Dans la pratique, les sections annexionnistes ou indépendantes de ce parti voulaient un changement de constitution. Les deux chefs demandaient seulement un peu de patience de la part de leurs partisans, persuadés que, sans rien bouleverser, nous arriverions aux réformes nécessaires.

Québec donna, le 24 juin 1842, un bel exemple. On y célébra la Saint-Jean-Baptiste pour la première fois, d’après le plan que Duvernay avait inauguré à Montréal huit années auparavant. Le docteur P.-M. Bardy eut l’honneur de rappeler à nos compatriotes que la fête nationale devait être l’une de nos préoccupations premières. Réunissant toutes les nuances du parti canadien, il fit appel à l’enthousiasme, qui est, après tout et avant tout, le grand ressort des actions patriotiques. L’idée de ne pas laisser s’endormir les esprits et de convoquer, en un jour reconnu, le ban et l’arrière-ban des enfants du sol, de leur parler de nos intérêts, de nos gloires, de nos espérances, est comparable au levier que cherchait Archimède pour soulever le monde. Si peu importantes que soient en apparence un certain nombre des branches de la société Saint-Jean-Baptiste, elles retiennent dans la voie des traditions une foule de personnes trop disposées, par des circonstances fortuites, à s’attiédir, à pactiser avec l’indifférence en matière de patriotisme et que le grand jour du 24 juin réveille de leur assoupissement. Il fait bon d’être Canadien, de s’en souvenir, de le témoigner ! Ce pays est à nous, mais il est convoité par bien d’autres ! Restons sur la brèche — ravivons à point nommé notre courage et nous n’en serons que plus heureux. S’il existait un peuple au monde qui put compter sur la sympathie des étrangers, ce peuple pourrait se passer d’institutions nationales — mais nous ne verrons jamais se produire un fait aussi extraordinaire !

Pierre-Martial Bardy, descendant d’une famille noble très ancienne à Rome ; son grand-père s’était établi à Brest, en France et c’est de là que partit, en 1756, un fils de cette famille qui se maria, à Québec avec mademoiselle Louise de Canchy. Pierre-Martial, enfant de ces derniers, fit ses études au séminaire de Québec, se livra ensuite à l’enseignement, puis obtint un diplôme de médecin et, en 1834, fut élu député par le comté de Rouville ; il prit en chambre une belle position. En 1842 (19 juin) il fonda la société Saint-Jean-Baptiste de Québec qu’il présida avec succès pendant plusieurs années. On lui doit l’achèvement du monument national de Sainte-Foye. Il mourut le 7 novembre 1869, âgé de soixante et douze ans.