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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

xv. De mois en mois, une note sonore, un chant de guerre détonne au milieu de la sérénade : c’est un Canadien qui enfonce la grande armée ou l’adjudant Mermet qui célèbre les exploits de nos milices — car nous étions dans le vif de la guerre de 1812-15. M. J. J.-D. Mermet, lieutenant-capitaine et adjudant au régiment de Watteville, était venu en Canada en 1813 avec ce régiment. Il a laissé un bon nombre de pièces de vers, écrites et publiées en Canada. En voici un échantillon :

Oui ! généreux soldats, votre valeur enchante :
La patrie envers vous sera reconnaissante.
Q’une main libérale, unie au sentiment
En gravant ce qui suit, vous offre un monument :
« Ici les Canadiens se couvrirent de gloire ;
« Oui ! trois cents sur huit mille obtinrent la victoire.
« Leur constante union fut un rempart d’airain
« Qui repoussa les traits du fier Américain.
« Passant, admire-les… Ces rivages tranquilles
« Ont été défendus comme les Thermopyles ;
« Ici Léonidas et ses trois cents guerriers,
« Revinrent parmi nous cueillir d’autres lauriers.»

M. Mermet est regardé comme un écrivain canadien. Son goût plus cultivé, sa versification facile, n’ont pas peu contribué à développer le sentiment de la poésie parmi nous. Toutefois son influence n’a pas été immédiate. Le Spectateur n’a de pièces passables que dans le genre de l’épigramme, mais elles sont nombreuses ! Quant aux Américains, ils ont accueillis par un feu roulant de gros plomb, comme à Châteauguay.

Du côté de la prose, la partie est plus sérieuse et tout-à-fait intéressante. MM. Bibaud et Viger, moins remplis d’imagination, plus graves et mieux instruits que leur entourage, publiaient, au jour le jour, de solides dissertations, couchées dans un langage clair et souvent heureux. En attendant l’heure de lancer des livres, ils prodiguaient de bons avis et savaient faire lire les articles tombés de leurs plumes.

Jacques Viger, né à Montréal, le 7 mars 1787, cousin de Denis-Benjamin Viger, étudia au collège Saint-Raphaël avec Michel Ribaud, Michel O’Sullivan et quelques autres élèves qui ont brillé dans notre histoire par leurs talents et des travaux honorables. Capitaine dans les Voltigeurs il fit les campagnes de 1812-15, tant dans le Bas que dans le Haut-Canada. On le chargea ensuite de diverses fonctions publiques dont il s’acquitta avec honneur et distinction. Il fut nommé lieutenant-colonel de milice en 1829. Élu maire de Montréal en 1833, c’est lui qui présida au premier banquet de la société Saint-Jean-Baptiste (1834). M. Viger est un Bénédictin, dit une notice publiée en 1848 ; il est connu au-delà de nos frontières pour ses travaux d’histoire et d’archéologie. Par un reste de goût des choses militaires, il a intitulé Ma Sabretache sa magnifique collection des documents sur l’histoire du Canada. Il avait la passion de l’exactitude des faits et des dates. Ses recherches sont encore précieuses aux historiens ; il est seulement à regretter qu’on tarde tant à les mettre au jour — ce qui