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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

jours, contre l’envahisseur, mais le gouvernement ne fut pas à la peine de recourir à tous les bras des colons, vu l’immobilité presque continuelle des armées américaines.

La chambre d’assemblée ouvrit ses séances le 21 janvier 1815 et les ferma le 25 mars. M. L.-J. Papineau fut élu président, à la place de M. J.-A. Panet appelé au conseil. Les débats roulèrent sur le droit civil anglais, qui ne fut pas accepté ; la corruption électorale ; le canal Lachine ; le retour des Bourbons en France. Toujours, depuis plus de quinze ans, notre chambre de Québec accordait une large part de ses séances à la situation de l’Europe. Il s’est fait plus d’un discours parmi nous, de 1792 à 1815, qui eut mérité une place dans le répertoire des hommes politiques de la France et de la Grande-Bretagne. Forcés par les circonstances de se tenir au courant des affaires d’Europe, nos hommes publics envisageaient les grandes questions sans parti pris et s’exprimaient « rondement ». C’est ici le lieu de faire remarquer le changement de langage qui s’opéra parmi les Canadiens-Français à l’égard de Napoléon après 1815. La presse anglaise accentuait l’expression de ses ressentiments, mais l’homme était tombé ! Alors, nous cessâmes de parler contre lui. Le sentiment de générosité voulait qu’un adversaire vaincu ne trouvât point en nous un ennemi.

Sir George Prevost, harcelé par les accusations de ses envieux, partit pour l’Angleterre, le 3 avril 1815. Il parvint à se disculper et mourut avant d’avoir été réhabilité publiquement. Le 20 mars (1815) Napoléon rentra à Paris. Les souverains alliés coururent aux armes. En Amérique, la surprise fut grande à ce coup de théâtre, mais personne ne bougea. Enfin, avec la nouvelle de la bataille de Waterloo arrivèrent à Québec plusieurs régiments anglais. La guerre était bien finie, toutefois l’attente sous les armes dura encore plus de six mois. Le 24 décembre, le traité de Gand fixa la situation.

Les « sorties torrentielles » dont les Américains nous avaient menacés depuis le mois de juin 1812 ne s’étaient pas produites. On sait pourquoi.

En d’autres temps, sous les Français, les milices canadiennes eussent agi avec vigueur en présence d’un adversaire flottant, indécis, non préparé. Les autorités anglaises ne voulurent pas lâcher la bride aux Canadiens — et cela pour deux raisons : parce que tout dépendait des affaires d’Europe ; parce que les Canadiens ne possédaient plus l’ancienne expérience militaire — mais à qui la faute ?

En somme, la guerre de 1812-15 a été si peu une guerre que personne n’ose l’étudier ou en parler chiffres en main.