Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VII, 1882.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

venaient pas vite pour les La Vérendrye. La pauvreté était à leur porte. On ne voulut leur rendre ni les livres de comptes ni les marchandises qu’ils avaient en propre dans les divers forts ou comptoirs de traite. Le résultat de cinquante années de travaux, la moitié d’un continent découvert, un commerce énorme créé par leur habileté, tout cela ne valait pas aux yeux des ministres, une récompense quelconque ou un remercîment. « Mon frère assassiné par les Sioux n’est pas le plus malheureux » s’écriait le chevalier de la Vérendrye dans une lettre officielle, en date du 30 septembre 1750.

Le Gardeur, aidé puissamment (quel contraste avec la conduite tenue à l’égard de La Vérendrye !) trouva cependant l’entreprise très difficile et ne cessa de se plaindre, ce qui nous donne une idée de ce qu’avaient su accomplir le Découvreur et ses enfants. Avides et peu délicats, les nouveaux explorateurs se laissaient facilement arrêter par la traite — par les chaussées de castors, selon un mot qui avait été employé contre La Vérendrye. Ils négligeaient les découvertes bien autrement que celui-ci ! Ignorants, pour la plupart, des mœurs et coutumes des Sauvages, ils ne tardèrent pas à s’attirer leur mécontentement. Les Cristinaux, dont ils s’étaient aliéné l’esprit, brûlèrent le fort de la Reine et faillirent massacrer Le Gardeur lui-même. Du reste, ce dernier ne s’avança point dans l’ouest au delà des postes des La Vérendrye. En 1752, il donna ordre au chevalier de Niverville,[1] son lieutenant, d’aller établir un poste au pied des Montagnes-Rocheuses. Cet officier tomba malade en chemin et retourna sur ses pas ; son parti seul remonta la Saskatchewan et construisit le fort la Jonquière, le plus avancé que les Français aient établi dans le nord-ouest. C’est à la rivière des Arcs, sur l’emplacement même où cent vingt-trois ans plus tard (1875) le capitaine Brisebois, de la police à cheval, érigea une construction semblable ; il ne restait plus alors de trace de l’ancienne. On nomme aujourd’hui ce lieu Calgarry. Le Gardeur se décourageait en face de la tâche qu’il avait assumée. Le nouveau gouverneur-général, M. Duchesne de Menneville, le remplaça en 1753, par le fils[2] de M. de La Corne déjà mentionné. Ce nouveau chef a laissé son nom au fort La Corne situé un peu en deçà de la fourche de la Saskatchewan. Son administration dura peu, car la guerre de Sept Ans s’ouvrit et les Français ne s’occupèrent plus du nord-ouest.

  1. Parent de La Vérendrye.
  2. Cousin-germain de La Vérendrye.