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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

On aurait bien dû, ce semble, rétablir les choses sur l’ancien pied depuis que tout est en paix au dedans et au dehors de la colonie : ce serait le moyen d’y retenir les coureurs de bois à qui leur avidité, sans parler de tous les désordres qu’attire le libertinage, fait faire tous les jours des bassesses, qui nous rendent méprisables aux yeux des barbares.

Kalm écrivait, en 1749 : « La ville de Montréal est entourée de champs fertiles, de belles prairies et de bois enchanteurs… Elle est passablement bien fortifiée et entourée d’un mur élevé et épais… Cependant, elle ne pourrait soutenir un long siége parce qu’elle requiert une forte garnison à cause de son étendue et parce qu’elle renferme principalement des maisons de bois… Les maisons de première classe ont une porte donnant sur la rue, avec un siége de chaque côté de la porte, où l’on vient s’asseoir pour causer et se récréer, matin et soir. Les rues principales sont droites, larges et coupées à angles droits par les petites rues ; il y en a qui sont pavées, mais c’est l’exception… Les murs de la ville ont été bâtis en 1738[1], aux dépends du roi mais à charge par les habitants de lui en rembourser le coût peu à peu ; la ville paie maintenant chaque année à l’acquit de cette dette, six mille livres dont deux mille sont fournies par le séminaire. À Québec les murs ont pareillement été bâtis aux frais du trésor, mais les habitants de cette ville ne sont pas tenus d’en rembourser le coût vu qu’ils ont déjà à payer un droit sur leurs marchandises. »

Durant les guerres de 1684 à 1713, les bourgades sauvages du saut Saint-Louis et de la Montagne furent comme les gardes avancées des défenses de Montréal. Le premier de ces établissements, fondé à Laprairie en 1669 par les jésuites, dans le double but de la conversion des Iroquois et des secours militaires que ceux-ci pourraient fournir, subsiste encore. Il fut d’abord placé environ une lieue plus bas que le saut Saint-Louis ; la terre ne s’y étant pas trouvée convenable pour la culture du maïs, on le transporta (1675) près du saut même, où il prit le nom de Saint-François-Xavier, et vers 1715, on l’installa à peu près trois mille plus haut, où il est aujourd’hui sous le nom de Caughnawaga. En 1721, l’église que l’on y construisait et la maison des missionnaires étaient deux des plus beaux édifices du pays. Il y avait de nombreuses familles établies dans cet endroit. La situation en est charmante. L’autre village, aussi iroquois, avait été fondé et maintenu par le séminaire de Saint-Sulpice (1677) sur la montagne de Montréal ; dès 1679, on y ouvrait une école pour les garçons ; la sœur Bourgeois y envoya de ses compagnes ; deux jeunes sauvagesses entrèrent à la Congrégation. Cette mission fut par la suite transportée au saut au Récollet, puis à l’extrémité occidentale de l’île. En 1716, le séminaire de Saint-Sulpice transféra la bourgade, composée alors d’Iroquois et de Hurons, sur sa seigneurie du lac des Deux-Montagnes ; des Algonquins et des Nipissingues s’y joignirent en 1741. Il est sorti bien des braves de ces deux villages, dit Charlevoix, et la ferveur y était admirable avant que l’avarice des marchands y eut introduit l’ivrognerie, qui y a exercé de plus grands ravages que dans les missions de Saint-François du Lac et de Bécancour. Jusqu’à la conquête, les sauvages du lac des Deux-Montagnes et de

  1. Il faut lire 1722. Peut-être ces murs avaient-ils été réparés en 1738.