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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

datée du village de Quinipissas, le 20 avril 1685, et adressée à La Salle. Ceci acheva de convaincre d’Iberville qu’il était sur le Mississipi. Dans cette lettre Tonty écrivait que suivi de vingt Canadiens et de trente Sauvages, il avait descendu le fleuve pour rejoindre son ancien chef et lui exprimait son chagrin d’avoir été déçu dans son attente. D’Iberville vit aussi une cotte de mailles qu’il conjectura avoir appartenu à la troupe de Soto. À son retour au golfe du Mexique, d’Iberville fit élever un fort dans la baie de Biloxi, entre Mobile et le Mississipi, laissa M. de Sauvole pour y commander et reprit la route de France. Le 1er  juillet, Sauvole reçut avec étonnement la visite des missionnaires des Taensas et des Yazous, MM. François-Jolliet de Montigny, vicaire-général du diocèse de Québec, et Antoine Davions[1], tous deux Français[2]. Depuis les voyages de La Salle, les chasseurs canadiens et les coureurs de bois étendaient leurs excursions jusqu’au Mississipi et les missionnaires marchaient sur leurs pas[3]. L’abbé Davions, très aimé des Sauvages, demeura parmi eux plus de trente ans, mais il ne put en engager aucun à embrasser le christianisme.

Il faut croire que la nouvelle de la découverte des bouches du Mississipi n’avait pas tardé à se répandre, car dès la même année (1699) un navire de guerre anglais parut sur le fleuve et ne se retira que par l’intimation énergique de Bienville ; en même temps des Anglais venus de la Caroline, s’avancèrent jusque chez les Chickasas où ils semèrent les germes de la haîne des Français. Deux autres bâtiments, montés par des huguenots tentèrent, la même année, d’aborder en Louisiane, mais les Espagnols, sur lesquels ils comptaient, ne les secondèrent pas. « L’attention des Anglais avait été attirée sur la Louisiane par une espèce de trahison du père Hennepin qui, en dédiant au roi Guillaume III une nouvelle édition de sa Description de la Louisiane, avait invité ce prince protestant à prendre possession du pays et à y faire prêcher l’Évangile aux infidèles. Le roi de France donna ordre d’arrêter ce moine s’il se présentait en Canada[4]

Les archives du conseil souverain de Québec portent, à la date du 12 novembre 1682, cette proposition de Mgr . de Laval : « Il est important de ne point donner d’atténité à l’édit qui défend aux huguenots de s’établir en Canada et surtout de ne point les souffrir en Acadie. » Les protestants français, inquiétés dans le royaume, avaient demandé la permission de se rendre en Amérique, promettant d’y vivre en sujets paisibles à l’ombre du drapeau de leur patrie. « Ils furent refusés, et bientôt les dragonnades passèrent sur leurs cantons, terribles pronostics de la révocation de l’édit de Nantes. Madame de Maintenon, calviniste convertie, devenue secrètement l’épouse de Louis XIV, lui suggéra le moyen cruel d’arracher les enfants à leurs parents pour les élever dans la foi catholique, ce qu’elle n’eût

  1. Le fort Adams, situé entre Saint-Francisville et Natchez, est bâti sur la « roche à Davion », ainsi nommée en mémoire de ce missionnaire, qui y demeura longtemps.
  2. Ils étaient passés aux Illinois, l’hiver de 1698-99, venant du Canada. (Carayon Premières Missions, p. 267).
  3. De 1690 à 1699, quatre jésuites s’étaient fixés aux Illinois : le père Hugues Pinet à Cahokias, en 1690 ; le père Jacques-Gabriel Gravier en 1693 au fort Saint-Louis abandonné ; puis les pères Julien Binneteau et Pierre-Gabriel Marest. (Carayon : Premières Missions, pp. 263-276 ; Ferland : Cours d’histoire, II, 344. Tanguay : Répertoire, p. 42 ; Harrisse : Bibliographie, p. 349).
  4. Garneau : Histoire du Canada, II, 22.