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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Malgré tout ce qu’on a dit jusqu’à présent qu’il fallait chercher la mer de l’ouest par le pays Scioux, son opinion et celle de bien des gens, est que l’on réussirait mieux par celui des Christinaux et des Assiniboils qui sont au nord. C’est aussi le sentiment du père Guignas, jésuite, habile mathématicien. »

Au moment où cette question se débattait à Québec et à Paris, la Russie s’occupait d’envoyer Behring et Thschirikoff relever, par mer, la côte occidentale de l’Amérique du nord. Pierre le Grand avait pris communication du mémoire et de la carte de Delisle, lors de son voyage à Paris, en 1717, et ce prince cherchait à résoudre le problème si longtemps poursuivi. Mais si le czar songeait aux découvertes, il comptait bien les payer et c’est ce qu’il ne manqua pas de faire, tandis que le cabinet français, laissant le découvreur canadien s’employer avec ses seules ressources, ne lui accorda — à titre de faveur — qu’un droit de traite, plus propre à ruiner l’entreprise qu’à la faire réussir, quelque fût l’habilité extraordinaire de l’homme qui allait y vouer le reste de sa vie. C’est par des mesquineries de ce genre que la France se prépara, pendant plus de trente ans, à perdre le Canada. M. de Beauharnois, il faut lui rendre cette justice, avait des vues plus élevées. Le 15 octobre 1730, il écrivait au ministre, M. de Maurepas, dans l’espoir de faire rendre à La Vérendrye le grade qu’on lui avait enlevé sans motif raisonnable. « Par l’avancement du sieur de Ramezay et par la mort du sieur de Bellestre, il se trouvera deux lieutenances vacantes, j’ai l’honneur de vous proposer pour les remplir les sieurs La Vérendrye, Senneville, Darnaud et Dubuisson. Ce sont de bons sujets qui méritent leur avancement. Le même jour, le gouverneur et l’intendant, écrivant au sujet de quelques veuves pauvres, disaient que la dame de Varennes « âgée de soixante et quinze ans, et veuve d’un gouverneur des Trois-Rivières » demandait une pension qu’ils désiraient lui voir obtenir. C’est la dernière fois que nous voyons mentionner la mère de La Vérendrye.

Les postes des Sioux étaient regardés comme plus propres à arrêter chez eux les découvreurs qu’à les inciter à pénétrer dans les territoires inconnus. Le père de Guignas disait que c’était « une mer à boire que de chercher par les Sioux un chemin pour aller à la mer de l’ouest. » Le projet que Lewis et Clarke, devaient mettre à exécution (1808), celui de remonter le Missouri jusqu’à sa source et de marcher ensuite aussi loin que possible dans la direction de l’ouest, n’avait pas plu au régent, qui s’était borné comme on l’a vu, à encourager la construction d’un ou deux postes de traite plus ou moins fixes chez les Sioux. Quant à la voie de la Kaministigoya, il semble que ce fut le plan proposé par les gens du pays, les Canadiens, mais que le gouvernement avait toujours repoussé jusqu’au moment où nous sommes parvenus. On a pu juger par les mémoires ci-dessus que La Vérendrye proposait de se rendre en premier lieu chez les Assiniboils et de reconnaître la rivière à laquelle les Sauvages donnaient le nom de ce peuple ; d’atteindre ensuite une hauteur de terre que l’on croyait exister proche de là et découvrir quelque cours d’eau qui se déchargerait dans le Pacifique. Avec lui, M. de Beauharnois et le sieur Chaussegros de Léry pensaient qu’il y avait, à l’ouest des sources du Saint-Laurent et du Mississipi, trois ou quatre cents lieues de pays, tout au plus, et qu’un fleuve considérable devait y couler.