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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

que je crois plus facile par là que par le nord, je ne puis douter, que les indices que j’ai eus de plusieurs endroits et qui sont assez uniformes, qu’en essayant de pénétrer jusqu’à la source du Missouri on trouvera de quoi se dédommager des frais et des fatigues, que demande une telle entreprise. »

Pour ce qui concerne le point de départ, ou base des opérations, les chercheurs et faiseurs de plans se partageaient en deux classes. Le territoire arrosé par le Missouri, ou les côtés ouest du lac Supérieur attiraient l’attention l’un et l’autre. M. de Vaudreuil crut prudent de réunir ces deux projets en un seul et, pour commencer, il fit établir un poste chez les Sioux et un dans la baie du Tonnerre, comme on l’a vu. Ces deux forts, placés en vedette, à une grande distance l’un de l’autre, devaient contribuer puissamment à éclaircir le mystère qui enveloppait l’ouest. Par le moyen du premier, il devenait possible de se mettre en communication directe avec les peuples placés dans les terres où le Missouri prend ses sources, et par le second une chaîne de rivières et de lacs ouvrait une autre porte plus au nord et toujours dans la direction de l’ouest. Les récits du temps font comprendre qu’une centaine d’hommes partirent pour aller demeurer chez les Sioux ; nous ne savons si le poste de la baie du Tonnerre en reçut autant ; ce n’est pas probable. Il y a lieu de croire que, de 1720 à 1726, c’est-à-dire à l’époque de l’écroulement de la banque de Law, du décès du duc d’Orléans, du décès de M. de Vaudreuil, du naufrage du Chameau et de la crise commerciale qui s’en suivit, le nord-ouest n’attira que très peu l’attention.

Les commencements du règne de Louis XV datent de la mort du régent. Ils furent heureux. Le jeune roi annonçait d’excellentes dispositions. Les réformes dont la France éprouvait le besoin semblèrent d’abord l’occuper vivement. Son entourage était grand ami de la paix, on le savait et on l’en félicitait. Les Canadiens, déjà lancés dans plusieurs entreprises lointaines, se croyaient plus libres de les poursuivre et en cela leur caractère aventureux ne les retenait nullement. Depuis un siècle, ils parcouraient les solitudes de l’ouest. Toutes les rivières qui tombent dans le Mississipi, du côté ouest portaient leurs canots de traite. À la Louisiane, une colonie était née sous leurs pas.


Et puis, domptant les flots des grands lacs orageux,
Franchissant la savane et ses marais fangeux,
Pénétrant jusqu’au fond des forêts centenaires,
Voici nos découvreurs et nos missionnaires !
Apôtres de la France et pionniers de Dieu,
Après avoir aux bruits du monde dit adieu,
Jusqu’aux confins perdus de l’Occident immense,
Ils vont de l’avenir jeter l’âpre semence,
Et porter, messagers des éternels décrets,
Au bout de l’univers le flambeau du progrès.

Appuyé sur son arc, en son flegme farouche,
L’enfant de la forêt, l’amertume à la bouche,