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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

émigrants, parmi lequels plusieurs gentilshommes, se dirigèrent vers cette terre promise ; on les dispersa sur différents points. Des seigneuries furent concédées. Law était fait duc de l’Arkansas ; il enrôla quinze cents Allemands et Provençaux, pris au hasard, qui furent loin d’améliorer la condition de la colonie. Bienville fonda (1718) la Nouvelle-Orléans, où il plaça M. Pailloux, devenu major-général ; Dugué de Boisbrillant alla commander aux Illinois ; Diron, frère de Diron d’Artaguette, fut nommé inspecteur-général des troupes.

La découverte de la conspiration de Cellamare suscita une guerre entre la France et l’Espagne. Le 15 mai 1719, le fort de Pensacola, depuis longtemps convoité par les Français, fut attaqué du côté de la terre par M. de Châteauguay, à la tête de sept cents Canadiens et sauvages, et du côté de la mer par M. de Sérigny ; il tomba au pouvoir des Français, mais, au mois de juillet, les Espagnols le reprirent en débauchant une partie de la garnison. À la Mobile, une tentative des Espagnols fut repoussée par M. de Vilinville, Canadien ; l’ennemi voulut se rejeter sur l’île Dauphine d’où Sérigny le chassa, après une brillante résistance. Le 17 septembre, Champmeslin enleva le fort de Pensacola, et le lendemain Bienville entrait dans la ville même à la suite d’une lutte très chaude. La paix fut signée le 17 février 1720. Pensacola était d’une très grande importance ; néanmoins le régent le rendit aux Espagnols. Sérigny fut fait capitaine de vaisseau, Juchereau de Saint-Denis reçut le brevet de capitaine et la croix de Saint-Louis, Châteauguay fut nommé lieutenant de roi, commandant à Mobile, et reçut la croix de Saint-Louis, ainsi que Dugué de Boisbrillant.

La compagnie des Indes continuait, malgré la guerre, de recruter pour ses établissements. Le 18 septembre 1719, quatre-vingts jeunes filles furent mariées avec autant de garçons, à l’église du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, à Paris ; on avait tiré ces filles de la Salpêtrière et les garçons des prisons de la grande ville, en leur donnant le choix ou d’y rester ou de partir pour la Louisiane. Après la cérémonie, les époux, enchaînés par paires, et escortés par une escouade de gendarmerie, furent expédiés à la Rochelle, lieu de l’embarquement. D’autre part, la sœur Gertrude, aidée des sœurs Louise et Bergère, étaient autorisées à conduire dans la colonie des filles élevées à l’hôpital-général de Paris, « lesquelles y passent volontiers pour s’y établir et devront être sous la surveillance spéciale de la sœur Gertrude, jusqu’à ce qu’elles soient établies, » dit l’ordre relatif à ce sujet. Le 3 janvier 1721, un navire de la compagnie arriva avec trois cents colons, qui devaient s’établir sur la concession de Mme  de Chaumont aux Pascagoulas. Mais en favorisant l’accroissement de la population de la Louisiane, le gouvernement avait soin de veiller à ce qu’on ne s’y livrât à aucune culture qui put entrer en concurrence avec les produits du royaume. Ainsi, le 9 janvier, il rendit une ordonnance qui défendait de cultiver, à la Louisiane, la vigne, le chanvre, le lin, etc. De 1719 à 1721, il y eut quelques tentatives pour exploiter les mines de plomb. L’effondrement de la banque de Law (1720) et la mésintelligence qui régnait toujours entre les officiers et les employés ne contribuèrent pas peu à retarder les progrès en général ; la disette sévit vivement ; un nouvel envoi de deux cents hommes ne fit qu’augmenter cet état de gêne ; enfin, un navire chargé se perdit avec tous ceux qui le montaient, et M. Crozat crut devoir se retirer complètement de la compagnie, vers la fin de l’année 1721.