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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

lettres de 1715, et que l’on a promis de fondre dans le courant de cette année le payement total des lettres tirées sur 1715 et 1716, il est à croire que l’on en prendra volontiers à présent. Savoir si le conseil (du roi) souhaite donner ordre à M. Bégon de faire tirer cette année pour quatre-vingt dix-neuf mille livres de lettres de change, restant de cent soixante mille livres payables en 1717, et pareillement pour la même somme payable en 1718, et il continuera successivement chaque année jusqu’à l’extinction des cartes, en observant de retirer le double de cette monnaie pour les dites lettres de change et de le faire brûler à mesure, suivant le premier projet. » En marge est écrit : « Il n’y a qu’à suivre les ordres qui ont été donnés sur cela, le conseil n’y voulant rien changer. » Vaudreuil et Bégon disent, dans une dépêche du 14 octobre 1716 : « Nous avons l’honneur d’accuser au conseil la réception de sa lettre du 22 octobre dernier, avec la copie de l’arrêt du conseil d’État du roi du 12 du même mois, pour la fixation des espèces et matières d’or et d’argent ; comme par cette lettre il nous parait que l’intention du roi et du conseil en nous envoyant cet arrêt qui fixe pour toujours les espèces d’or et d’argent au même prix, savoir les louis d’or à quatorze livres et les écus à trois livres dix, a été seulement de nous faire savoir que les dites espèces ne doivent pas avoir dans la colonie un plus haut prix que celui qu’elles ont en France, nous y tiendrons exactement la main, et les louis d’or sont à vingt et les écus à neuf sur le pied qui sont à présent en France[1], suivant l’avis que M. Gaudion en a donné au sieur Petit son commis. »

Par une déclaration du 5 juillet 1717, le conseil du roi réduisit le cours des monnaies de carte à la moitié de la valeur de celles-ci[2]. Le 9 octobre le conseil de marine, de qui relevait la colonie, notifia les autorités de Québec qu’il avait été donné des ordres pour la fabrication de louis d’or à la monnaie de Paris, au cours de trente-six livres. Ce furent les premières pièces de ce genre expédiées à la colonie. Le régent payait la moitié des cartes ; le reste était brûlé ; on s’engageait à n’en plus mettre en circulation ; toutes les denrées devaient se payer en or ou en argent, et le quart était aboli sur ces espèces. Ce fut le réveil du commerce.

Les Canadiens comptaient alors par livres, francs, écus, pistoles et piastres. Le mot « franc » était le plus usité, cependant « écu » et « piastre » s’employaient tous les jours. Le terme « piastre » est devenu français, mais il a une signification ou valeur qui change selon les pays. La contrebande nous apportait les piastres espagnoles ; au commencement du dix huitième siècle, nos archives renferment de fréquentes mentions de cette monnaie ; le commerce la recherchait, principalement pour faire partie des retours en France, quoique le risque de la mer fut très grand à cette époque. La piastre des anciens Canadiens était la même que celle de nos jours ; cinq francs ou cent vingt sous, équivalent à cent cents ou un dollar. Ce dernier mot est d’origine allemande et comme il est devenu anglais, nous ne voyons pas pourquoi on en ferait usage en parlant français. Piastre est une meilleure expression.

  1. Le louis d’or de quatorze francs avait été porté à vingt, depuis le 1er janvier 1716.
  2. Édits et Ordonnances, I, 370, 393, 525.