Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome III, 1882.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
histoire des canadiens-français

de Laprairie. Ce jeu des influences du temps nous explique ce que nous ne retrouvons pas dans les archives ou dans les imprimés dont les historiens ont fait usage.

Voyons une note du Journal des Jésuites : « Le 15 août (1653), fut annoncé le jubilé, sous l’autorité de monsieur l’archévêque de Rouen[1], qui en avait ici envoyé le mandement de le publier. Son mandement doit être conservé dans les archives comme pièce authentique de la continuation de possession que le susdit seigneur archévêque a déjà prise par quelques autres actes du gouvernement spirituel de ce pays. Cette publication, toutefois, du jubilé sous son nom et autorité est le premier acte qui ait paru notoirement dans le pays ; qui est d’autant plus authentique qu’il s’est fait en la présence du gouverneur, ipso non répugnante (immo ipso præmonito & consentiente, quod tamen non est passim enulgandum) & est in maxima populi frequentia, qui ensuite a gagné ce jubilé, lequel ne pouvait ici être gagné autrement, le pape ne l’accordant qu’aux sujets des prélats qui le lui demandaient pour leurs diocésains. Sur quoi est à remarquer que n’y ayant eu rapport à aucun évêque pour le gouvernement spirituel de ce pays jusqu’en l’an 1647[2], il fut pour lors considéré, à l’occasion des vêtures et profession des religieuses, qu’on ne pouvait s’en passer, et, la susdite année, le père Vimont, passant en France, fut surtout chargé de cette affaire[3], pour l’assurance des professions religieuses. Le père Vimont, après avoir consulté Rome, les principaux pères de notre compagnie de la maison-professe et du collége, le sens plus commun fut qu’il fallait s’adresser et attacher à M. de Rouen[4] ; ensuite le père Vimont s’adressa au père Pingeolet, pour lors recteur du collège de Rouen, par la faveur et assistance duquel on obtint de M. l’archévêque de Rouen l’ancien, lettre de grands-vicaires ; ce qui étant apporté ici, avec les lettres et les résolutions de tous nos pères, confirmatives de ce que dessus, on procéda avec assurance à recevoir des professions religieuses. On ne jugea pas toutefois à propos de faire encore éclater beaucoup au dehors cette affaire[5]. Depuis, mondit sieur l’archévêque de Rouen envoya une patente bien ample, adressée au révérend père assistant, par laquelle il établissait le supérieur de la mission (des jésuites) son vicaire-général, avec toutes les précautions possibles pour le bien de notre compagnie ; et, le dit sieur archévêque étant mort cette année 1653, son neveu, successeur en sa charge, et qui du vivant de son oncle avait été son coadjuteur, envoya une semblable patente à celle de son oncle au révérend père assistant, qui nous fut ici apportée avec le mandement pour la publication du jubilé. On a de plus à noter que le susdit neveu successeur, étant coadjuteur de son oncle, donna lettre démissoire au sieur Gendron pour recevoir les ordres, l’année 1652, et ce en considération qu’il était son sujet pour avoir demeuré environ dix ans en ce pays ; le même, depuis la mort de son oncle, a donné un autre mandat pour faire inquisition sur la vie et sainte mort de nos pères : de

  1. La plupart des colons du Canada venant de la Normandie, il était juste que, à défaut d’un évêque en titre, ils regardassent celui de Rouen comme leur chef ecclésiastique.
  2. En 1645 on s’en était occupé, puisque M. le Gauffre avait été choisi.
  3. Voir page 8 du présent volume.
  4. Après la mort de M. le Gauffre.
  5. Les jésuites avaient leur arrière-pensée de faire nommer un évêque au choix de l’Ordre.