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la température de l’État de New-York. Dans quelques siècles, il sera semblable aux rivages du golfe de James, prolongement de la baie d’Hudson dans nos terres. La seconde édition de l’Histoire des Canadiens-français paraîtra peut-être à la Floride, parce que nous aurons été chassés par l’envahissement définitif des hautes neiges. Le globe va en se refroidissant. Il ne manque pourtant pas d’exercice physique, puisqu’il voyage à raison de neuf mille lieues à l’heure, et qu’il a commencé sa course en prenant une certaine dose de chaleur — témoins les volcans ; mais, à mesure que les années succèdent aux années, il tremblotte davantage, et les magasins de froid qui sont situés au pôle sud comme au pôle nord, déversent aux régions centrales un flot toujours grossissant de brouillards, de neiges et de glaces qui finiront par rester ici en permanence.

Laissons de côté cette perspective peu réjouissante, et parlons un peu de l’automne et du printemps.

Les mois de septembre et octobre sont les plus beaux de l’année ; car il ne fait alors ni chaud ni froid, et l’air est aussi pur qu’en hiver. Le printemps n’est qu’une longue suite de l’hiver. Qu’on nous permette de reproduire ici une lettre écrite par nous sur ce sujet :

« Ô printemps, jeunesse de l’année ! chantent les poètes d’Espagne et d’Italie. À leur imitation, les poètes du Canada s’exclament : Ô printemps, jeunesse de l’année !

« Pardonnez, messieurs, le compte n’y est pas, vous faussez la mesure ; trop de réminiscence de la Grèce et de Rome. Question de latitude et même de longitude. Ne pas confondre avec la porte à côté.

« Des plages de Gaspé jusqu’au fond des Mille-Isle

la température de l’air, comme disait Samuel de Champlain, est bigrement désagréable tant que le mois de juin n’a pas fait son apparition. Où avez-vous vu des feuilles aux arbres avant le huit ou le dix de mai ? À la Fête-Dieu, qui tombe ordinairement du premier au vingt juin, c’est à peine si nous avons des lilas.

« Vous dites :

Les lilas sont en fleurs. Déjà, fraîches écloses,
Au souffle de l’été vont s’éveiller les roses.

« Mettons la date. Pour Nice et la Bulgarie, c’est mars ; pour nous, cela arrive l’été et pas du tout au printemps. Les roses ne consentent à sourire dans nos climats que sur la fin de juillet.

« Et dire que nos poètes saluent avec enthousiasme les froidures de mai, les glaces d’avril, les giboulées de mars ! Cela se pratique en Europe, voyez-vous !

« M. Siméon Lesage m’a jadis reproché trois petits couplets intitulés : Mai, trop chauds pour la saison, disait-il. J’étais si jeune ! Je croyais encore au calendrier. Et puis, l’inspiration était venue dans les bocages enchanteurs de Chippewa, à quelques arpents des chutes Niagara, par un beau vingt-quatre mai, après avoir bu un toast à la santé de la reine, en bonne et joyeuse compagnie. Niagara donne des cerises de France à la Saint-Jean-Baptiste. C’est loin de Québec ! Le Canada, pour nous, c’est la province de Québec.