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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Champlain employa le temps nécessaire à une exploration partielle du Saguenay, laissant son équipage à Tadoussac, « auquel lieu je fis décharger toutes nos commodités, avec les hommes, manœuvriers et artisans, pour aller amont le dit fleuve (le Saint-Laurent), trouver un lieu commode et propre pour habiter. » Le choix de Québec n’était donc pas encore fait ? Cependant, Lescarbot nous dit que de Monts avait assigné ce lieu à Champlain pour son poste fixe.

Le départ de Tadoussac, sur une simple barque de douze à quatorze tonneaux, s’exécuta le 30 juin.

« Trouvant un lieu, le plus étroit de la rivière, que les habitants du pays appellent Québec, j’y fis bâtir et édifier une habitation et défricher des terres et faire quelques jardinages… Ce lieu est le commencement du beau et bon pays de la grande rivière. » Telles sont les paroles de Champlain.

C’est le 3 juillet (1608), jour à jamais mémorable dans les annales de la Nouvelle-France, que Champlain revit le cap de Québec et se décida à y fonder sa colonie. « Je cherchai lieu propre pour notre habitation, mais je n’en pus trouver de plus commode, ni mieux situé que la pointe de Québec, ainsi appelée des Sauvages, laquelle était remplie de noyers et de vignes. Aussitôt, j’employai une partie de nos ouvriers à les abattre pour y faire notre habitation, l’autre à fouiller la cave et faire des fossés, et l’autre à aller quérir nos commodités à Tadoussac avec la barque. La première chose que nous fîmes fut le magasin, pour mettre nos vivres à couvert, qui fut promptement fait par la diligence d’un chacun et le soin que j’en eus. »

La pointe de Québec comprenait l’espace renfermé aujourd’hui entre la Place, la rue Notre-Dame et le fleuve, où se trouve l’église de la basse-ville.

L’Histoire oublie, nécessairement, que Jacques Cartier choisit le Cap-Rouge pour y établir une colonie ; que Chauvin voulut se fixer à Tadoussac ; que Champlain adopta l’idée de Pontgravé de se rendre aux Trois-Rivières ; car les entreprises en question n’eurent aucun caractère permanent. En 1608, Champlain, plus libre dans son choix, ayant acquis de l’expérience, et sentant que la période des débuts finissait, envisagea la situation d’un œil bien différent. Il s’empara de la clef du grand fleuve, de manière à asseoir sa colonie au fond d’une baie profonde (le golfe Saint-Laurent), et s’assurer de la voie qui, à travers les terres, le mettrait en communication avec les peuples les plus éloignés. C’était assez proche de Tadoussac, regardé alors comme le principal port de mer ; il ne convenait pas de s’isoler davantage. Montréal eût pu l’attirer ; mais c’était bien loin, et, outre qu’une bonne partie des Sauvages ne s’y rendaient pas d’ordinaire, il faut considérer que la position offrait peu de moyen de défense. Trois-Rivieres, plus rapproché, était le rendez-vous par excellence des chasseurs ; néanmoins, en vue de l’avenir, il valait encore mieux se fixer à Québec. Des événements de la plus haute importance attestèrent, par la suite, de la sagesse de cette décision. Sans qu’il en coutât rien à personne, le havre de Québec pouvait abriter la flotte la plus nombreuse et les plus gros vaisseaux. Placé à cent trente lieues de la grande navigation,