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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

« Voilà, disait en 1644 l’un de ces Sauvages, voilà où il y avait des bourgades très peuplées. Les Hurons, qui pour lors étaient nos ennemis, ont chassé nos ancêtres de cette contrée. Les uns se retirèrent vers le pays des Abenaquis (le Nouveau-Brunswick), d’autres allèrent trouver les Iroquois, et une partie se rendit aux Hurons mêmes et s’unit à eux. »

« Les Hurons qui étaient alors nos ennemis, » cela ne donne-t-il pas à penser qu’il s’agit d’une époque antérieure à la découverte du Canada ? Nous ne connaissons aucune circonstance qui nous permette de supposer que les Hurons furent en armes et luttèrent contre des tribus de la nation algonquine. Il est vrai que l’orateur dont les paroles viennent d’être citées ajouta que son grand-père avait cultivé du blé-d’Inde dans l’île de Montréal ; mais, comme les Sauvages ne remontent point au delà d’une trentaine d’années sans embrouiller toute la chronologie, et que le mot grand-père s’applique aussi bien, dans leur bouche, à un ancêtre éloigné qu’à un simple aïeul, ce témoignage ne saurait suffire pour fixer la date de la conquête de Montréal par les Hurons.

La haine du nom algonquin et l’espoir de reconquérir leur ancienne patrie réveillèrent le génie des Iroquois. Ils apprirent à faire la chasse et la guerre, à conduire habilement des expéditions, à harceler sans cesse l’ennemi dans ses marches, dans ses retraites et dans ses campements. Ils se révélèrent enfin sous une face nouvelle.

Ils se donnaient le nom de Ilottinonchiendi, qui signifie « cabane achevée ». Leurs forts étaient en effet les mieux construits au point de vue de la solidité et des besoins de la guerre.

L’ordre qui régnait ordinairement dans leurs affaires publiques se consolida, prit les formes de véritables lois, et contribua pour beaucoup au succès de leurs armes.

Lorsqu’au bout de quelques années, ils reparurent sur le grand fleuve, les Algonquins virent qu’ils allaient avoir sur les bras un ennemi qui ne serait plus à mépriser.

La plupart du temps, les maraudeurs iroquois se contentaient de « faire coup » sur un campement, puis ils se retiraient avec adresse dès que les Algonquins se montraient en nombre. Le lac Saint-Pierre, avec ses îles et son étendue, offrait un refuge aux flottilles de guerre, comme aussi des points de repère et des embuscades toutes préparées.

Avant l’arrivée de Cartier, les Iroquois descendaient ainsi la rivière Sorel, qui porta longtemps leur nom, et étendaient leurs ravages jusque dans le bas du fleuve, au delà de Québec. Les premiers navigateurs qui visitèrent le Canada les connurent sous le nom de Toudamans que leur avaient imposé les autres nations sauvages. Le mot Iroquois, dont on se sert à cette époque, paraît désigner le principal groupe, et Toudamans, une tribu de cette nation.

Par la terreur que répandaient les Toudamans, on s’explique l’absence de villages que le découvreur du Saint-Laurent remarqua entre Montréal et Achelaï, près des rapides du Richelieu, à mi-chemin entre Québec et les Trois-Rivières.

Le mot Toudamans semble être une corruption de Touandouahs, Tsoundouans. « Les Toudamans furent, plus tard, connus sous le nom d’Iroquois, » dit M. l’abbé Ferland.