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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

L’étendue des rapports que les peuples sauvages avaient entre eux pour l’échange des produits particuliers à leurs différents pays n’est pas assez comprise. Des rivages de l’Atlantique au centre du continent existaient des communications régulières. Du golfe du Mexique, en remontant le Mississipi et descendant le Saint-Laurent, pareille chose avait lieu. Cartier mentionne des peuplades lointaines qui trafiquaient avec celles qu’il a connues ; les coquillages dont se paraient les tribus du bas Canada leur venaient du golfe du Mexique. Au premier voyage de Champlain (1603), on lui dit que « les bons Iroquois, » ou Hurons de la baie Géorgienne, trafiquaient avec les Algonquins, sur le bas Saint-Laurent. En 1625, le Frère Sagard, missionnaire aux environs de la rivière des Français, parle des Nipissiriniens qui vont, chaque année, en traite parmi des nations situées à cinq ou six semaines de marche du lac Nipissing. Ces nations passaient pour avoir commerce avec d’autres peuples plus éloignés, qui allaient par mer sur de grands canots, disait-on. Le long du Pacifique, depuis la Californie jusqu’au territoire d’Alaska, un courant de trafic très actif a été constaté comme remontant aux temps les plus anciens.

Nulle situation géographique ne pouvait être plus heureusement choisie que celle du Saint Laurent, dès lors qu’il était question de prêcher l’Évangile ou d’introduire le négoce dans l’Amérique du Nord. Les mines rêvées par Roberval et par tant d’autres étaient en réalité de belles pelleteries, de bonnes terres et un climat salubre, toutes choses qui, avec le sentiment religieux, occupaient le commandeur de Chatte et Champlain.

À Tadoussac, l’auteur du Voyage aux Indes voulut savoir ce qu’était la rivière du Saguenay. La description qu’il en donne est à peu près mot pour mot ce que nous en dirions aujourd’hui. Il écarte les fables dont l’esprit des Sauvages entoure la moindre narration. Observateur et savant, Champlain démêle le vrai du faux et nous parle comme s’il avait vu ce qu’il explique. Il est vrai que, depuis Cartier, les renseignements préliminaires ne manquaient pas sur ces contrées, tant de fois l’objet des recherches des marins et des curieux.

De Tadoussac, la traite étant en partie terminée, Pontgravé et Champlain firent route ensemble vers le haut du fleuve, afin d’examiner les lieux les plus favorables à une habitation. En passant, Champlain décrit Québec[1] :

« Nous vinmes mouiller l’ancre à Québec, qui est un détroit de la dite rivière du Canada, qui a quelques trois cents pas de large[2]. Il y a à ce détroit, du côté du nord, une montagne assez haute[3] qui va en abaissant des deux côtés ; tout le reste est un pays uni et beau, où il y a de bonnes terres pleines d’arbres, comme chênes, cyprès, boulles, sapins et trembles, et autres arbres fruitiers sauvages et vignes ; qui fait qu’à mon opinion, si elles étaient cultivées, elles seraient bonnes comme les nôtres. Il y a le long de la côte du dit Québec des diamants dans des rochers d’ardoise qui sont meilleurs que ceux d’Alençons. »

  1. Première mention connue de ce nom, qui signifie détroit, rétrécissement. Cartier écrit tantôt Stadaconé, tantôt Canada. Les traiteurs qui parcouraient le fleuve, dans la dernière moitié du XVIe siècle, ont dû emprunter ce nom (Québec) des Sauvages. Champlain s’en sert comme s’il datait de longtemps.
  2. Un quart de lieue.
  3. La citadelle et la haute-ville.