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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Pontgravé se mirent en route vers le saut Saint-Louis, où ils dûrent arriver le 19 ou le 20. Restaient à Québec le Père d’Olbeau et le Frère Duplessis « pour accommoder leur chapelle et donner ordre à leur logement, lesquels furent grandement édifiés d’avoir vu le lieu tout autrement qu’ils ne s’étaient imaginés et qui augmenta leur zèle. »

Le 17 ou le 18 de juin, à la rivière des Prairies, cinq lieues au dessous du saut Saint-Louis, ils rencontrèrent le Père Le Caron, qui fit part à Champlain du projet qu’il avait conçu d’aller hiverner chez les nations sédentaires, afin d’apprendre leur langue et de commencer aussitôt que possible à les évangéliser. Malgré les instances qu’on lui fit, il persista dans l’exécution immédiate de ce qu’il avait résolu, et se dirigea vers Québec pour y faire ses préparatifs.

Les Sauvages, qui attendaient Champlain au saut Saint-Louis, revinrent sur la question tant de fois débattue de porter la guerre au pays des Iroquois, afin d’obliger cette nation incommode à rester chez elle. Pontgravé et Champlain, qui étaient en état d’embrasser toutes les circonstances de la situation, voyaient bien qu’il fallait frapper un coup de ce côté avant de se croire libres sur le Saint-Laurent. Ni la traite, ni la colonisation, ni la conversion des peuplades amies n’étaient possibles en face de ces dangers continuels. Si, dans les empires, civilisés, on a vu quelques bandes d’hommes répandre la terreur et dicter la loi à des populations mille fois plus nombreuses qu’elles, il n’est pas étonnant que les maraudeurs iroquois aient semé l’épouvante chez les tribus qui fréquentaient les lacs, les rivières et les territoires de chasse du Canada. Ce problême s’imposait en premier lieu : Aurons-nous la paix ? L’expérience répondait : Pas tant que l’ennemi pourra agir. Champlain devait donc surmonter cet obstacle, après en avoir rencontré déjà plusieurs autres dont le lecteur a dû garder mémoire. Il se décida à tenter la fortune des armes dès cette année. C’est pourquoi il partit du Saut, le 23 juin, pour aller à Québec mettre ordre aux affaires, attendu que son absence pouvait se prolonger plusieurs mois.

Repassant à la rivière des Prairies, il y rencontra de nouveau le Père Le Caron, qui s’était rendu à Québec le 20 juin, et revenait après avoir fait ses préparatifs pour hiverner chez les Sauvages.

Le lendemain, 24 juin, jour de saint Jean-Baptiste, le sacrifice de la messe « fut chanté sur le bord de la dite rivière, avec toute dévotion, par le révérend Père Denis et le Père Joseph, devant tous ces peuples, qui étaient en admiration de voir les cérémonies dont on usait et des ornements qui leur semblaient si beaux, comme chose qu’ils n’avaient jamais vue : car c’étaient les premiers qui y ont célébré la sainte messe. »

Les dates, dont nous nous sommes servi avec intention dans ce qui précède, font assez voir que Champlain, témoin des faits qu’il raconte, ne se trompe nullement en disant que la sainte messe fut célébrée pour la première fois en cette circonstance, au Canada, ce qui veut dire depuis les voyages de Jacques Cartier et Roberval.

Champlain était de retour à Québec le 26. La veille, le Père d’Olbeau[1] avait dit la

  1. Le 2 décembre de cette année, il suivit les Montagnais de Tadoussac, mais il dût revenir après deux mois de séjour parmi eux, ayant failli perdre la vue, à cause de la fumée des cabanes.