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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Parti de l’île Sainte-Hélène le 27 mai 1613, avec Nicolas de Vignau, un interprète du nom de Thomas, deux Français[1] et un Sauvage, dans deux canots, Champlain remonta la rivière dite des Algonquins[2] et en dressa une description[3] fort détaillée. Tessouat, chef de l’île des Allumettes, qu’il avait rencontré à Tadoussac, dix années auparavant, l’accueillit avec toutes les marques de la plus vive satisfaction. Un grand festin eut lieu pour faire honneur à ce visiteur venu de si loin, et qui passait pour si puissant. Lorsque vint le moment d’expliquer le but de son voyage, Champlain s’aperçut qu’il avait été dupe de l’imagination de Vignau, car Tessouat lui donna l’assurance que cet homme avait passé l’hiver (1611-12) dans sa propre cabane, et, par conséquent, n’avait vu ni la mer du Nord ni le lac des Nipissiriniens dont il parlait. On devine ce qui suivit. Vignau implora son pardon à genoux ; les Sauvages voulaient le faire mourir ; Champlain lui-même se vit sur le point de le leur livrer, comme un criminel dont on devait faire justice. Enfin, les ressentiments s’appaisèrent et, le 10 juin, les quatre Français disaient adieu à Tessouat pour retourner au Saint-Laurent.

Ce voyage désappointa Champlain du côté des grandes découvertes, mais il avait acquis une connaissance exacte de la rivière des Algonquins, et pouvait juger, par ouï-dire, de ce que devait être la région située au delà, qu’il se proposait de parcourir à la première occasion. Les Sauvages de l’île des Allumettes lui faisaient une peinture effrayante des difficultés de la route ; mais, évidemment, leur ambition était de ne pas voir leurs amis, les Français, aller faire la traite avec les autres nations. Il y avait lieu d’espérer qu’ils changeraient de sentiment. Le résultat immédiat de ce voyage fut de persuader aux Algonquins de se porter en nombre à la traite du saut Saint-Louis les années suivantes.

Champlain était de retour en ce dernier lieu le 17 juin, ayant rencontré plus de soixante canots qui y étaient allés à la traite, dirigée par Duparc et Lange, à ce qu’il paraîtrait. Un nommé de Maisonneuve, de Saint-Malo, venait d’y arriver, porteur d’un permis du prince de Condé. Tous les Sauvages assemblés au saut fêtèrent Champlain et se dirent heureux des promesses de secours et d’amitié qu’il leur fit. Au moment de retourner dans leur pays, ils acceptèrent d’amener deux jeunes Français, mais refusèrent avec dégoût de se charger de Vignau, qui, pourtant, les suppliait d’y consentir, disant qu’il voulait, par des services de tous genres, tâcher de faire oublier son imposture.

Des quatre navires qui étaient au saut Saint-Louis, l’un appartenait au sieur de Maisonneuve. C’est à son bord que montèrent, le 27 juin, Lange et Champlain pour descendre à Québec et de là passer en France. Le 6 juillet, ils étaient à Tadoussac, d’où ils repartirent le 8 et arrivèrent à Saint-Malo le 26 août, et, dit Champlain « je vis les marchands de ce lieu auxquels je remontrai combien il était facile de faire une bonne association pour l’avenir ; à quoi ils se sont résolus, comme ont fait ceux de Rouen et de la Rochelle, après qu’ils ont reconnu ce réglement être nécessaire, et sans lequel il est impossible d’espérer quelque fruit

  1. L’un d’eux rebroussa chemin quelque part à la Petite-Nation.
  2. À partir de 1660, à peu près, on lui donna le nom de rivière des Outaouais, parce que cette nation éloignée descendait par là à Montréal.
  3. Le 4 juin, il était devant le plateau sur lequel s’élève la ville d’Ottawa, capitale d’un empire qui n’est plus français.