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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le lendemain, 20 juillet, il partit pour Tadoussac, où il prit, de concert avec Pontgravé, la résolution de passer en France. Le 11 août, il s’embarqua sur le navire du capitaine Tibaut, de la Rochelle ; ils jetèrent l’ancre en ce lieu le 10 septembre.

Si le lecteur a noté les voyages de Champlain, comme aussi ceux des Français en général, à partir du temps de Cartier, il a dû être surpris de la hardiesse de ces navigateurs, qui bravaient les dangers de l’Atlantique sur des navires d’une capacité de quarante à cent tonneaux, et subissaient, chaque année, des traversées de trois ou quatre mois avant que d’atteindre le port où ils étaient attendus. Les deux hommes les plus étonnants à cet égard furent Champlain et Pontgravé. S’ils n’ont pas fait vingt fois naufrage, la Providence était visiblement avec eux ; car, pour ne parler que du golfe et du fleuve Saint-Laurent, jamais route plus périlleuse n’a mis à l’épreuve la science et l’énergie des marins. Les glaces, les brumes, les neiges, le froid et les coups de vent se succèdent dans cette région de manière à la rendre plus redoutable que le fameux cap de Bonne-Espérance lui-même. Que n’avons-nous un Camoëns pour chanter les exploits des héros qui ont en quelque sorte chassé de nos rivages le génie des tempêtes ! et que dirait le poète en contemplant aujourd’hui les navires qui se promènent avec sécurité dans cette passe où l’on périssait autrefois ! Une administration clairvoyante a établi des signaux, des maisons de refuge, des télégraphes, depuis Terreneuve jusqu’à Québec. Ce qui était un objet de terreur est devenu un lieu de promenade. Les pilotes canadiens, dignes successeurs des fils de la vieille France, se jouent des éléments déchaînés et invitent tous les pavillons du globe à venir saluer les glorieux remparts de Québec. Des profondeurs où nous sommes placés dans ce continent d’Amérique, nous avons ouvert, petit à petit, la plus large porte qui se présente aux flots des océans. Les yeux fixés sur l’avenir, nous attendons le résultat de ces travaux utiles. N’oublions pas les hommes qui ont jalonné la voie dans laquelle s’engage, à présent, tout un peuple prospère et maître de ses destinées.