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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

du vaisseau, il ne tomba en la mer et se noya sans y pouvoir donner remède, à cause que le vent était trop impétueux. »

Le 26, ils étaient à Tadoussac où il y avait des vaisseaux arrivés dès le 18, « ce qui ne s’était vu il y avait plus de soixante ans, à ce que disaient les vieux mariniers qui voguent ordinairement au dit pays. » Nouvelle preuve de la continuité des visites des Français dans ces parages après la découverte de Cartier.

Le sieur Duparc, jeune gentilhomme qui avait hiverné à Québec, rencontra Champlain à Tadoussac et lui fit rapport que la saison ayant été peu rigoureuse, tous ses compagnons se portaient bien, et qu’un petit nombre, seulement, avaient été malades. Ils avaient eu ordinairement de la viande fraîche, « et le plus grand de leur travail était de se donner du bon temps. Cet hiver, ajoute Champlain, montre comment se doivent comporter, à l’avenir, ceux qui auront de telles entreprises, étant bien malaisé de faire une nouvelle habitation sans travail et sans courir, la première année, mauvaise fortune, comme il s’est trouvé en toutes nos premières habitations. Et, à la vérité, en ôtant les salures et ayant de la viande fraîche, la santé y est aussi bonne qu’en France. »

Le Canada était donc enfin désensorcelé. Cette terre maudite, qui avait eu la réputation de dévorer ses occupants, ne serait plus à craindre. À quoi attribuer ce changement ? Champlain le dit très bien : à une nourriture plus saine. Depuis le pacte scellé avec les Sauvages, ceux-ci ne gênaient plus la chasse ; or, l’hiver est, par excellence, le moment de s’approvisionner de viande fraîche ; aussi, les armes à feu de nos Français dûrent faire merveille sur les orignaux, les cariboux et autres gibiers dont foisonnaient les bois d’alentour.

Les Montagnais attendaient Champlain et Pontgravé pour aller à la guerre. Après avoir pris des arrangements à cet effet, Champlain continua sa route, le 28 avril, et arriva bientôt à Québec, où le capitaine Pierre Chavin et sa petite garnison l’attendaient « en bon état. » Avec Chavin était un chef sauvage appelé Batiscan, accompagné de plusieurs des siens, qui attendaient aussi les voyageurs de France. On leur donna un festin, ce à quoi ils se montrèrent très-sensibles.

Batiscan est un nom qui se rencontre la première fois en 1603, lorsque Champlain mentionne la rivière qui le porte. Sur sa carte de 1609, il désigne également cette rivière ; sur celle de 1612, figure la contrée de Batisquan. De 1610 à 1638, des Sauvages de ce nom, des chefs probablement, se voient dans les récits et aux registres de l’église.

Soixante Montagnais arrivèrent, quelques jours après, à Québec, armés pour leur expédition ; mais, comme Champlain était trop occupé pour les suivre sur le champ, ils allèrent l’attendre aux Trois-Rivières, tout en faisant escorte à quatre barques, chargées de marchandises, qui s’y rendaient en traite avec le dessein de pousser jusqu’à la rivière des Iroquois, où les Hurons avaient promis de se rendre, cette année, au nombre de quatre cents hommes.

Champlain partit de Québec le 14 juin. Il prit terre aux Trois-Rivières le 17, au lieu des Montagnais rassemblés dans le voisinage des barques. Le lendemain, tous se mirent en