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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

voyage (1603), d’adopter le système auquel Pontgravé et son fils s’étaient soumis dans leurs voyages : celui de faire alliance ouvertement avec les groupes qui fréquentaient leurs postes de traite. Les Montagnais et les Algonquins n’avaient pas demandé, cette fois, que leurs amis, les hommes blancs, n’allassent point au pays des Iroquois ; ils les avaient, au contraire, priés de s’y rendre avec eux, afin d’y répandre une salutaire terreur par le moyen des armes européennes, dont l’usage était inconnu de ces barbares. Refuser eût été renoncer à la bonne entente avec des voisins immédiats, première condition de la sécurité de Québec. Il fallut donc, six ans plus tard (1609), songer à s’acquitter de la promesse donnée, dans l’espérance que les Iroquois cesseraient, après cela, leurs incursions sur le Saint-Laurent, et que, la quiétude renaissant de cette façon, les Algonquins et les Montagnais se fixeraient à demeure et pourraient être civilisés. Il ne faut pas oublier, non plus, que les Iroquois étaient loin d’avoir manifesté, à cette époque, la fermeté et l’esprit d’organisation qui se développa par la suite dans leurs tribus, avec l’aide des Hollandais et des Anglais. En 1609, ils troublaient les alliés des Français ; c’en était assez pour en faire des ennemis, d’autant plus que ces mêmes alliés pouvaient devenir aussi des ennemis, s’ils n’étaient pas assistés. Nous appelons cette politique raison d’État ; Champlain avait autant de droit de s’en servir que n’importe quel souverain qui déclare la guerre sur des motifs souvent assez futiles. On n’a pas oublié, non plus, que la traite s’imposait à Champlain ; sans elle, l’habitation de Québec pouvait disparaître d’un jour à l’autre ; car les associés, en France, n’entendaient pas badinage à l’endroit de leurs capitaux engagés. C’était malheureux ; mais qu’y faire ? Or, si les Iroquois empêchaient la traite en « coupant les rivières » de la partie supérieure du pays, que devenait-on ? Un remède héroïque était nécessaire.

Mais on dit : « Il y allait de mort d’hommes. » Et les Algonquins, et les Montagnais n’étaient donc pas en danger ? Depuis des années, les Iroquois se mettaient à l’affût dans les bois, au bord des rivières, et les massacraient sans pitié. La situation était insoutenable : ni les Algonquins ni les Français ne pouvaient espérer de vivre tranquilles sans avoir au préalable chassé les Iroquois. On dit qu’ils ne furent pas chassés, puisqu’ils mirent, par la suite, la colonie à deux doigts de sa perte. Cette observation vaut les autres, c’est-à-dire qu’elle procède d’une confusion de dates. Les quelques coups d’arquebuse tirés par Champlain sur les Iroquois (1609) semèrent l’intimidation chez ces féroces meurtriers. Ils s’abstinrent de reparaître sur le Saint-Laurent, dans le voisinage des Français, durant nombre d’années. Champlain en profita pour explorer le haut Canada ; les Récollets et les Jésuites pénétrèrent jusqu’aux grands lacs ; la traite se répandit à trois cents lieues de Québec. Néanmoins, ajoute-t-on, les Iroquois détruisirent les Hurons, refoulèrent les Algonquins, et tinrent en échec la colonie française. Oui ; mais quand, et à qui la faute ? Le jour où, trente ans après 1609, les Hollandais fournirent des armes à feu aux tribus iroquoises, une situation nouvelle se dessina, et, par malheur, la France ne secourut aucunement ses colons durant le quart de siècle qui va de 1640 à 1665. C’est de cette manière que les Iroquois devinrent redoutables. Tenons compte des événements, et, surtout, ne mêlons pas les dates, comme