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réflexions sur l’art des vers

nier, et, dans ce siècle, celle de plusieurs poètes éminents, du plus hardi surtout, Victor Hugo. Nous ne citons pas Lamartine, parce que, au point de vue tout spécial où nous nous plaçons, au point de vue de la technique des vers, il est demeuré fidèle à la facture classique ; et c’est à l’honneur de celle-ci qu’elle lui ait suffi pour introduire dans son vers une harmonie toute nouvelle. Quant à Alfred de Musset et Théophile Gautier, pour ne nommer que ceux-là, ils n’ont pas non plus introduit une technique nouvelle en poésie.

Si l’on écarte certains excès de révolte où Victor Hugo dépasse le but que son génie même d’initiateur assignait à sa mission véritable, on peut la définir assez exactement. Il ne réforme pas les lois naturelles de l’expression poétique des mouvements de l’âme, il s’y conforme, au contraire, avec plus de précision que ses prédécesseurs. Dans la phonétique du vers il a moins opéré une révolution que hâté l’achèvement d’une évolution nouée par la routine depuis la fin du xviie siècle. C’est que, en effet,