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réflexions sur l’art des vers


Cette double césure est spontanément préférée par l’oreille à une seule après la quatrième ou la cinquième syllabe, parce qu’elle régularise le rythme ; mais, par contre, les divisions rythmiques sont trop courtes pour ne pas très vite obséder l’oreille en la frappant trois fois de suite, car la variété y est sacrifiée à la répétition. Aussi Malherbe s’est-il bien gardé de composer tout le couplet de pareils vers ; il n’y en a introduit que deux, prudence étrangère au lyrisme incontinent de Scribe. Remarquons que dans le vers de neuf syllabes il ne saurait y avoir une césure unique, située après la troisième syllabe ; les deux parts du vers seraient trop inégales pour que l’oreille n’attendît pas une césure de plus.

Onze étant un nombre premier, le rythme du vers de onze syllabes ne peut pas être régularisé. D’autre part, il ne se rythme pas symétriquement d’emblée comme, par exemple, le vers court de sept syllabes. Il devait donc être, par instinct, antipathique à l’oreille. Les vers de ce genre que cite Banville, et dont il est l’auteur, n’engagent point à les imiter et il n’a fait qu’y exercer en