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Je cours, je lance un disque aussi loin que je veux,
J’excelle au pugilat, je suis le roi des jeux ;
Mais depuis quand fait-on d’une étable un gymnase ? »
— « Pétrir la grasse argile, y façonner un vase
Dont la rondeur soit ample et le profil heureux ;
Ménager avec art les reliefs et les creux ;
Alentour enchaîner des nymphes par les danses,
Et courber savamment la spirale des anses :
Je ne sais rien de plus, je ne veux rien de plus ;
Les exploits me sont vains et les biens superflus :
J’aime. » Philée ainsi parla le quatrième.
— « Qui n’ose pas lutter avec le dégoût même
Connaît encor la crainte et n’est pas vraiment fort,
Dit Hercule ; pour moi, j’affronterai la mort,
Qu’on la nomme lion ou qu’on la nomme peste.
Chasseur, lutteur, restez ; dompteur de chevaux, reste ;
Et toi surtout demeure, ami des beaux contours,
Enfant qu’un peu de glaise amuse, aime toujours ;
Dans le temps de rapine et de meurtre où nous sommes,
Il en faut comme toi pour adoucir les hommes.
J’irai seul. » Il partit, laissant les orgueilleux
Lui lancer par dépit d’ironiques adieux ;
Et seul Philée en pleurs sentait pour tous la honte.
Le vieux roi, qui trouvait au dévoûment son compte,