« Parmi les peines innombrables
Qui font de ce monde un enfer,
En vois-tu qui soient comparables
Au tourment qu’endure la Mer ? »
Des tempêtes et des désastres,
De tous les maux d’en bas témoin,
Le Ciel, sublime océan d’astres.
Entendant cet appel au loin,
Répond : « Ton sort n’est point le pire !
Plains la race au rêve anxieux
Dont le front à m’atteindre aspire
Et qui rampe en levant les yeux ;
« Plains, ô Mer, plains la race humaine
Au bras si frêle et si petit !
Ta masse en se ridant à peine
Brise son œuvre et l’engloutit.
« Ah ! si grand qu’il soit, son génie
Ne fait qu’à tâtons explorer
Avec une sonde finie
L’Infini qu’il doit ignorer.
« Moins vains sont tes bruyants tumultes
Que ses guerres et ses discours
Pour des frontières et des cultes
Qu’elle change et défend toujours.
Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/98
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.