Mais, malgré leurs siècles de rouille,
Il suffit d’un pleur qui les mouille
Pour les attendrir aussitôt.
Ah ! s’il est vrai que tu ressentes
Comme moi l’ancienne pitié.
Pourquoi t’ouvrirais-je à moitié
Mes tristesses compatissantes ?
Pour t’en épargner le souci
Je te dissimulais mon trouble ;
Mais l’atteinte en nos cœurs fut double :
Tu souffrais pour la terre aussi. —
Tout étonné, Faustus avec ferveur écoute
Ces paroles qu’ensemble il savoure et redoute :
Pour l’œuvre qu’il médite il en sent tout le prix ;
Mais son projet terrible a-t-il été compris ?
Il se recueille et cherche un prudent artifice
Pour deviner l’accueil promis au sacrifice.
« Mon silence est bien loin d’un lâche désaveu :
Il m’est, dit-il, si bon de croire
Que j’ai pu pour la terre évoquer un beau vœu
Du fond de ta mémoire !
« Plus ange par les traits tu devins en retour
Par tes œuvres ici moins femme,
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