Vers l’infini muet dressaient leurs fronts meurtris
Et joignaient en pleurant leurs mains désespérées
Sans voir poindre aucun port dans les mers éthérées,
Ni luire aucun signal en réponse à leurs cris !
Pourrions-nous, entendant leur appel de détresse,
Lisant dans leurs regards l’effroi qui les oppresse,
Nous sentir dans la joie innocemment heureux,
Et, riches d’un savoir qui leur serait utile,
N’en faire qu’un usage infécond et futile,
Et, vivant pour nous seuls, ne rien tenter pour eux ?
De leur sort subi sans témoin
N’absoudrait pas, bien qu’ils soient loin,
Pour eux en nous l’indifférence.
Leurs corps pour le martyre élus
Sont du même sang que les nôtres,
Et leurs âmes ne sont point autres
Que nos propres âmes non plus.
Des fibres vives nous rattachent,
Hors de l’espace, à nos pareils,
Et les distances des soleils
Jamais du cœur ne les arrachent.