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Jadis en abordant cette plage clémente
D’où son âme à l’abri défiait la tourmente,
Faustus avait d’abord, sans mélange, éprouvé
L’ineffable douceur de se sentir sauvé ;
Il ne s’était, plus tard, souvenu de la terre
Que pour en goûter mieux le lointain salutaire,
Puis tout le monde ancien s’effaça dans l’oubli
Comme un vaisseau coulé sous une mer sans pli.
Or, voilà qu’un sinistre et vagabond message,
Ébranlant tout à coup son cœur d’homme au passage,
Y réveille en sursaut des échos endormis
Comme un poignant appel de naufragés amis.
Cet appel obsédant, qu’il reconnait, l’entraîne
Du port céleste et sûr où la vie est sereine
Là-bas vers le point noir d’où, parmi les brisants,
Fut poussé jusqu’à lui ce cri d’agonisants.
Mais pourra-t-il jamais démarrer de la grève
Le sauveteur captif de l’Amour et du Rêve ?
Pourra-t-il, triomphant de ses ensorceleurs.
En rompre l’anneau d’or et la chaîne de fleurs ?
………………..

stella

Ne songe pas, Faustus ; lève plutôt la tête !
Quelle nuit ! On dirait qu’un triomphe s’apprête,
Que, sous un dais immense et d’un velours nacré,
Pour quelque alléluia s’assemble un chœur sacré.