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______Qui, troupeau souffrant et farouche,
______Du genre humain fûtes la souche,
______Voyez vos derniers rejetons !

______« Souffrez que notre couple embrasse
______En vous les plus anciens aïeux,
______Dont le sang a laissé sa trace
______Dans la beauté de chaque race,
______Dans son cri d’appel à ses dieux ! »

A peine elle a parlé qu’on l’acclame et qu’en foule,
Comme au pied d’un rocher la mer s’élève et croule,
Les coureurs autour d’elle à sa voix suspendus,
De leurs chevaux, d’un bond, sont déjà descendus ;
Et Faustus, avec elle environné, contemple
L’appariment parfait, sur terre sans exemple,
Des puissances de l’âme et des forces du corps,
L’expressive beauté qui naît de leurs accords,
Et de ces affranchis les sereins hyménées,
Où par un libre nœud l’une à l’autre enchaînées
Dans deux êtres divers joints éternellement
Se complètent la force et la grâce en s’aimant.
Il admire ces chairs fines ou vigoureuses
Qu’animent des sangs purs, des volontés heureuses.
Ces chairs que de vils coups l’ancien bâton rouait,
Que meurtrissait le sceptre ou déchirait le fouet.
A la contorsion qu’infligeait le martyre
Le geste aisé succède et le noble sourire :
Les larmes qui brûlaient, en jaillissant, les yeux