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Quand l’àme de Faustus, par degrés apaisée,
Offre au plus fin délice une avenue aisée,
La vierge le conduit, par un chemin secret.
Vers l’oasis cachée au sein de la forêt.
lis l’atteignent bientôt ; à l’air des bois mêlée
Une vague senteur l’a déjà révélée,
Éparse exhalaison de serre et de jardin ;
Au détour d’une roche elle apparaît soudain.

En cirque devant eux s’élève une colline
Qui jusques à leurs pieds languissamment décline ;
Une flore inconnue y forme des berceaux
Et des lits ombragés de verdoyants arceaux.
Faustus, les yeux surpris par cette flore étrange.
Des plus rares couleurs harmonieux mélange,
S’arrête et croit d’abord, doucement ébloui,
Admirer l’arc-en-ciel à terre épanoui.
L’arc-en-ciel dont l’image en mille éclairs brisée
Colore d’un torrent la poussière irisée.
Il aspire, muet, un effluve embaumant.
Sa compagne sourit à son étonnement.

Regarde ! as-tu bien fait, cher Faustus, de me suivre
T’ai-je trompé ? Tes yeux, dis-moi, sont-ils déçus ?
Ne crois-tu pas qu’une heure il sera bon de vivre
Sur ces tapis pour nous d’herbe et de fleurs tissus ?