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Que je puisse assouvir, ô douce bien-aimée,
La soif immense en moi par le deuil allumée ;
Laisse-moi te serrer vivante dans mes bras,
Puis après, si tu veux, tu m’anéantiras !
Regarde ! me voilà beau comme un dieu, plus digne,
Stella, de ton amour sous cette forme insigne
Dont je ne sais quel philtre à puissante vertu,
Pour m’égaler à toi, m’a soudain revêtu.

stella

Moi-même, cher Faustus, j’ai, de la même sorte.
Accompli ma figure après que je fus morte,
Et je suis belle aussi. J’ai pourtant aimé mieux
Sous ma forme terrestre apparaître à tes yeux
Pour m’en faire sans peine aussitôt reconnaître.
Si tu veux maintenant voir ma beauté renaître
Dans sa perfection, sans aucun des défauts
Qui du visage au cœur faisaient un masque faux
Dans notre ancienne vie, abîme de misères,
Parle, et, te révélant mes traits purs et sincères.
Je vais me rajeunir et me transfigurer
Pour t’offrir un printemps qui doit toujours durer. —

Faustus tombe à genoux ; il la contemple et n’ose,
Tant il l’aime, affronter cette métamorphose ;
La revoir, retrouver Stella telle aujourd’hui
Qu’il l’adorait naguère est l’idéal pour lui.
Sur terre son amie était déjà si belle !