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AU LECTEUR


Le silence de ces espaces infinis m’effraie. » Cette terreur de Pascal est bien exceptionnelle. L’homme est trop occupé par sa vie militante, trop distrait par le spectacle si varié du monde pour songer habituellement au mystère et au péril de sa condition ; ou plutôt l’insouciance à cet égard ne serait-elle pas en lui une grâce de la Nature, comme l’impuissance à considérer longtemps la mort ? Toutefois la prodigieuse fortune et la persistance des religions supérieures demeureraient inexplicables si l’homme, sur son origine et sa destinée, ne couvait une inquiétude latente, susceptible d’être éveillée sinon tenue sans cesse en éveil. D’autre part, l’histoire de la philosophie témoigne que cette inquiétude devient de plus en plus consciente chez une élite à mesure que la civilisation exerce et libère davantage la pensée.

Le doute sur l’avenir d’outre-tombe, sur une com-