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SONNET

a constant coquelin


 
L’œuvre du comédien reste toute avec lui.
Il voit rire ou pleurer le peuple qu’elle enivre ;
De ses créations rien ne doit lui survivre
Que la gloire ! Du moins il en aura joui.

Le poète sent fuir son rêve évanoui
Loin de son âme, épars dans les feuillets du livre ;
Aux mains de ceux qu’il charme il ne peut pas le suivre,
Et n’en peut savourer le triomphe aujourd’hui.

Ah ! quand même ton art, sauveur de mon poème,
L’associe aux faveurs de la foule qui t’aime,
Sur tes lèvres en vain mes vers sont applaudis,

Mon orgueil n’ose pas en tirer avantage,
Car si je les ai faits, c’est toi qui les as dits,
Et tu m’ôtes l’honneur d’un laurier sans partage.