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SONNET

a madame la vicomtesse de grandval


 
Les rumeurs de la mer et les soupirs des bois
Expriment la douleur ou farouche ou touchante,
Mais l’on sent, plus troublé, quand c’est l’homme qui chante,
Le cœur et l’air vibrer ensemble dans la voix ;

Que des sons fraternels sous l’archet et les doigts
Servent la plainte humaine, elle est plus arrachante,
Elle déchire l’âme et cependant l’enchante
Par un céleste écho des terrestres émois.

Et souvent la Musique est plus puissante encore :
Son charme ouvre à l’extase un paradis sonore.
De sublimes séjours à la terre inconnus ;

C’est le monde où le rêve est rejoint par la vie,
Si beau qu’hélas ! nos morts n’en sont plus revenus.
Vous y planez d’avance, ah ! que je vous envie !