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cessaire à la nôtre nous apparaissent également déterminés par d’autres objets : nous ne percevons que le relatif, le fini et le contingent, si loin que nous poussions la série de nos expériences dans chacune des catégories : être, relation, qualité, quantité. Ainsi, d’une part, nous existons et ne pourrions exister par nous-même, et d’autre part les choses que nous percevons successivement existent et ne pourraient non plus exister par elles-mêmes. Mais si, au lieu de nous arrêter à nous-mêmes et à chaque terme successivement perçu hors de nous dans chaque catégorie, nous considérons immédiatement l’ensemble de tous les termes, il est clair que nous ne concevrons pas cet ensemble comme étant relatif et fini, il faut bien qu’il soit par lui-même, car il existe et, ne laissant rien hors de lui, il ne peut être déterminé à l’existence par aucune autre chose. Nos propres catégories peuvent donc prendre un caractère absolu, quand elles sont envisagées dans l’ensemble des termes qui s’y rapportent. Ainsi, tout phénomène est impliqué dans un substratum, lequel est lui-même un mode plus ou moins médiat de la substance qui est en dernière analyse le fond de toute réalité et à ce titre ne saurait exister que par elle-même : une grandeur finie et limitée par une grandeur de même nature, et celle-ci par une autre, en d’autres termes ce qui est borné n’est que partie par définition même ; or, la somme de toutes les parties, et la grandeur totale qui n’étant point portion n’est plus limitée, est infinie ; tout fait a d’autres faits pour conditions, tout est produit par une cause, mais le système complet de tous les faits et de tous les actes ne dépend plus que des rapports qu’il implique, c’est-à-dire de sa propre essence, il est absolu ; enfin tout ce qui progresse est imparfait, mais la somme conçue de tous les degrés progressifs constitue