Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des questions qu’ils adressent à chaque chose et au tout, Ainsi, l’activité volontaire dont l’homme est doué suppose une initiative ou mise en train de sa puissance, et une intention, une direction et un but assignés à cette puissance. De là les idées d’ordre providentiel, de cause première et de finalité. Ils appliquent les attributs de leur propre essence, l’économie de leur propre vie à l’univers entier. Mais cette application est-elle légitime ? Les questions qu’ils adressent au monde sont-elles fondées ? Cela revient à demander si tout est humain dans l’univers, car à cette condition seulement elles seront légitimes. Les savants se gardent tous les jours davantage de toute présomption à cet égard. Ils interrogent à mesure que leurs questions sont légitimées par les données empiriques fournissant les prédicats, et ils ne tentent la solution que lorsque les données deviennent assez nombreuses pour concorder. Ils ne disent pas a priori : « Nous avons à connaître la cause et la fin du monde, » mais ils disent : « Qu’y a-t-il à connaître au monde pour l’esprit humain ? » Ils commencent donc par observer sans définir d’avance l’objet de leur recherche, sans savoir dans quelle direction ils seront entraînés par les faits. Cette méthode est prudente, elle est infaillible.


DOMAINE ET LIMITES DE LA CONNAISSANCE
HUMAINE.




La science, du reste, malgré la supériorité de sa méthode, ne peut, non plus que la philosophie, espérer et étendre ses conquêtes au-delà d’un domaine relativement restreint dont l’essence humaine, qui est bornée, donne exactement la mesure.