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apporte donc aucune distinction radicale des êtres considérés dans leur substance. Elle ne constate ni matière ni esprit, dans le sens vulgaire de ces mots ; elle fait concevoir seulement un tout indivisible qui se manifeste par des groupes de phénomènes d’ordres différents. Ces groupes divers supposent dans le tout des propriétés ou puissances et forces diverses leur conférant l’unité. Autant d’unités ainsi formées, autant d’individualités auxquelles nous donnons des noms, La connaissance spontanée, par un travail instinctif de nos fonctions sensibles et intellectuelles, nous révèle immédiatement les plus utiles à notre conservation, elle n’est qu’un degré supérieur de l’instinct des bêtes et vise le même but. La réflexion analyse ensuite ces unités, en sépare le subjectif de l’objectif, et fait le premier triage du moi et du monde extérieur, fondement et condition de la science,

Voyons maintenant si l’expérience interne confirme ou non ces résultats ; examinons ce qu’elle peut nous apprendre à son tour sur l’être des choses.


EXPÉRIENCE INTERNE.




Nous venons de voir que nous ne pouvons fonder sur le seul témoignage des sens aucune distinction de substance entre les êtres. Nous ne percevons pas l’être extérieur lui-même, mais ses signes en nous ; or les signes, ou groupes de sensations, se distinguent bien les uns des autres par de constants rapports intrinsèques leur conférant l’unité, mais nous ne pouvons conclure de cette unité toute phénoménale à